Percer les secrets du cerveau dépressif
Une nouvelle étude, réalisée par une équipe française, met à jour des points communs entre les cerveaux de patients dont la dépression est très résistante aux traitements. Cela pourrait permettre d'éviter des soins inutiles en anticipant leur échec.
Plus personne ne devrait aujourd'hui douter de la réalité neurologique de la dépression. Plus aucun malade ne devrait entendre "mais arrête de te laisser aller !" Sans parler des remarques plus insidieuses encore quand les traitements ne fonctionnent pas... "Mais tu prends vraiment tes médicaments ? Tu veux vraiment t'en sortir ?"
Une nouvelle recherche vient en effet de montrer que les cerveaux de personnes dont la dépression résiste à tous les traitements sont objectivement différents. Elle a été publiée dans la revue Neuropsychopharmacology par une équipe associant des chercheurs de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), du Commissariat à l'Energie Atomique (CEA), et de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP).
L'étude portait sur l'efficacité d'une technique récente encore en évaluation dans le traitement de la dépression : la stimulation magnétique transcrânienne. "Il s'agit, en simplifiant beaucoup, de stimuler l'activité neurologique et ainsi la production de neurotransmetteurs", explique le Dr Marie-Laure Paillère Martinot, qui a coordonné ces travaux. Car il est désormais établi que l'état dépressif est justement associé à une sorte de ralentissement de certaines zones du cerveau tandis que d'autres s'emballent.
"Les 31 patients suivis étaient tous gravement déprimés, depuis plusieurs années, malgré au moins deux traitements médicamenteux différents bien conduits, poursuit le Dr Paillère Martinot. Dix-sept ont été très améliorés par la stimulation. Les quatorze autres pas du tout." Les chercheurs ont alors comparé les cerveaux des deux groupes de patients et constaté deux différences. D'une part, l'atrophie, la petite taille, d'une certaine zone du cortex dont ils observaient aussi le faible fonctionnement. Et d'autre part, l'hyperactivité d'une autre région : l'amygdale gauche. Or, celle-ci a pour fonction d'envoyer des messages d'alerte en situation de stress qui devraient être "régulés" par la partie du cortex justement défaillante. Cela pourrait expliquer leurs difficultés.
Une IRM permettrait alors de savoir, à l'avance, si le traitement a plus de chances d'être efficace. Une prédiction précieuse étant donné la lourdeur de ces stimulations quotidiennes d'au moins 20 minutes sur un minimum de 15 jours. Surtout, pareils travaux devraient améliorer la compréhension de ces formes de dépression. Cette perte de volume du cortex est-elle le fruit ou la cause des années de maladie ? Faut-il concevoir différentes stimulations pour ces patients ? Il reste malheureusement encore beaucoup de recherches à faire avant d'apporter une solution spécifique à leurs souffrances.
Source : "Depression, Antidepressants, and Neurogenesis: A Critical Reappraisal", Neuropsychopharmacology, 21 septembre 2011
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