Antidépresseurs : les traitements de l'humeur
Les Français sont les plus grands consommateurs d'antidépresseurs en Europe. Dans quels cas sont utilisés ces médicaments ? Quelle est leur action sur notre état émotif ? Quel est leur rôle dans le cadre d'une thérapie ? Comment ces médicaments guérissent-ils la dépression ?
Un frein aux émotions négatives
Les antidépresseurs sont des psychotropes. Ils agissent sur le cerveau et, comme leurs noms l'indiquent, ils traitent la dépression, une maladie qui touche l'humeur.
Le cerveau est formé de milliards de neurones. Ces neurones forment des réseaux spécifiques et spécialisés dans différentes tâches. Certains reçoivent des informations, d'autres les analysent et d'autres sont chargés d'envoyer les ordres vers le corps. Cette communication est possible grâce à la présence de messagers chimiques qu'on appelle neuromédiateurs. Parmi eux la sérotonine, la dopamine, l'acétylcholine et le GABA.
Les neuromédiateurs passent d'un neurone à l'autre pour que l'influx nerveux puisse être transmis. Le passage d'un messager en particulier, dans une zone précise, va soit activer une voie cérébrale soit l'inhiber. Le mode d'action des médicaments du cerveau qu'on appelle psychotropes, repose en partie sur ces notions neurologiques.
Comme ces neuromédiateurs peuvent intervenir, aussi bien dans la régulation du sommeil, que dans celle des émotions et de l'humeur, il suffit d'utiliser des molécules capables d'emprunter les mêmes voies de neurones, afin d'optimiser ou de contrer l'action d'un neuromédiateur. Ces médicaments peuvent aussi augmenter ou réduire la quantité de neuromédiateurs dans les zones du cerveau.
En cas d'anxiété par exemple, certaines régions du cerveau comme l'amygdale, sont souvent hyperactives. Les médicaments appartenant à la famille des tranquillisants tels que les anxiolytiques vont baisser cette hyperactivité en facilitant l'effet d'un neuromédiateur inhibiteur. Résultat, l'activité neuronale de l'amygdale baisse et l'anxiété diminue.
En cas de dépression, différentes régions régulant les émotions négatives ou celles chargées de renforcer les sentiments positifs ont une activité trop basse. C'est comme s'il n'y avait plus de frein pour gérer les émotions négatives. Un médicament type antidépresseur va rétablir ce frein.
La présence du médicament permet d'augmenter la quantité de neuromédiateurs entre les deux neurones et d'augmenter la stimulation du neurone suivant. Résultat, l'activité des neurones gérant les émotions tristes est rétablie. Sur un plan chimique, cela permet de traiter la dépression.
Sonder la dépression grâce à l'imagerie cérébrale
Il y a différentes familles d'antidépresseurs. Les premiers ne sont apparus qu'à partir du XIXe siècle. Avant leur découverte, la dépression n'était pas considérée comme une maladie dont on pouvait guérir. Aujourd'hui, les techniques d'imagerie médicale permettent d'étudier l'effet de chaque antidépresseur sur les différentes parties du cerveau, pour proposer un jour des traitements à la carte.
Les techniques d'imagerie cérébrale permettent de mieux cerner la dépression. Depuis la découverte de la fameuse pilule du bonheur (la fluoxétine), les psychiatres ont compris que la dépression ne pouvait être soignée par un seul traitement. Il n'y a pas une dépression mais plusieurs, chacune ayant son propre circuit cérébral.
C'est peut être ce qui explique pourquoi un antidépresseur peut avoir un effet bénéfique sur certains malades dépressifs alors qu'il n'en aura aucun sur d'autres. Sachez en effet que 20 % des patients sont résistants aux antidépresseurs. Ces malades se tournent alors vers d'autres techniques.
Traiter la dépression
Les antidépresseurs ne font que traiter un symptôme et non les causes de la dépression. Dès l'arrêt des médicaments, les signes réapparaissent.
Il existe plusieurs familles d'antidépresseurs, qui sont équivalentes en terme d'efficacité. Le médecin va porter son choix sur l'une ou l'autre en fonction du type de symptômes de la dépression. Certains antidépresseurs vont avoir une action plus sédative, d'autres plus stimulante… C'est aussi souvent la tolérance et la réponse au médicament par le patient qui conditionnent ce choix.
Les antidépresseurs ne créent pas de dépendance physique (à la différence des anxiolytiques). Toutefois, il peut être difficile d'envisager d'arrêter le traitement. Dans tous les cas, l'arrêt des antidépresseurs doit être "préparé" avec le médecin.
Pour les formes chroniques résistantes de dépression, la sismothérapie (mieux connue sous le nom d'électrochocs) est réalisée sous anesthésie générale. Il s'agit d'envoyer un faible courant électrique dans le cerveau afin de libérer les neuromédiateurs manquant dans la dépression.
Mais certains patients refusent cette méthode et choisissent la stimulation magnétique transcrânienne (TMS). Cette technique récente, encore en cours d'évaluation, augmente aussi le taux de neuromédiateurs grâce à une stimulation magnétique envoyée dans le cortex préfrontal, une zone profonde du cerveau.
Ces techniques n'empêchent pas le risque de rechute.
Comprendre les raisons de la survenue d'une dépression est par conséquent indispensable dans le processus de guérison. Dans tous les cas, une thérapie doit ainsi souvent être associée au traitement antidépresseur.
Quand une dépendance s'installe...
Vivre sans antidépresseurs, sans anxiolytiques, c'est chose impossible pour Aline, qui en prend depuis 5 ans.
À 45 ans, elle souffre d'une dépression majeure dont elle a du mal à se sortir.
Les antidépresseurs, toute une histoire
Trois millions de Français sont suivis chaque année pour un épisode dépressif majeur, soit un Français sur dix. Depuis les années 1950, les antidépresseurs ont permis aux malades de pouvoir reprendre une vie normale.
Agité, désorienté, reclus dans leur monde… avant les années 50, soigner les troubles psychiques des patients reste encore difficile. Dans les hôpitaux psychiatriques, le traitement de la souffrance mentale se résume souvent aux électrochocs.
Il faut attendre 1951 pour qu'un homme révolutionne le traitement des psychoses presque par hasard comme l'explique le Pr François Chast, pharmacien : "Henri Laborit est un médecin de la navale qui s'intéressait à la problématique du stress des malades en salle d'opération. Pour gérer ce stress, il a l'idée d'administrer des médicaments antihistaminiques. Et grande surprise, les patients qui sortent de la salle d'opération habituellement mal et en difficulté psychologique, sont relâchés. Il va alors proposer à des psychiatres d'utiliser cette observation pour traiter des malades atteints de psychose". Le premier médicament neuroleptique va alors apparaître. Il sera utilisé en hôpital psychiatrique pour calmer les patients agités.
En avril 1957, le psychiatre américain Nathan Kline constate qu'un médicament anti-tuberculeux rend ses malades euphoriques. Après avoir réalisé des tests sur des patients non tuberculeux mais déprimés, il s'aperçoit que le médicament est également efficace. Cette découverte va être à l'origine d'un grand bouleversement de la prise en charge de la dépression.
L'arrivée de ces médicaments permet à certains malades de rentrer chez eux et de désengorger peu à peu les hôpitaux psychiatriques. Mais lorsque les personnes déprimées sont dans une grande détresse, l'hospitalisation reste de mise et il faut les soigner rapidement. Un psychiatre suisse Roland Kuhn va alors voir juste. À la fin de l'année 1957, il découvre une autre famille d'antidépresseurs réservée aux cas les plus graves.
Grâce aux médicaments, la prise en charge psychiatrique s'est nettement améliorée ce qui a facilité le travail des soignants et la vie des patients. Les molécules découvertes hier se trouvent encore dans les antidépresseurs d'aujourd'hui.
En savoir plus sur les antidépresseurs
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