Pourquoi de riches étrangers séjournent dans nos hôpitaux ?
A l'hôpital, certains ont parfois du mal à obtenir une chambre individuelle, quand d'autres n'ont aucune difficulté à privatiser un étage entier. Un riche émir du Golfe a ainsi loué les neuf chambres du septième étage de l'hôpital Ambroise-Paré, à Boulogne-Billancourt, pendant près d'une semaine, pour une opération de chirurgie orthopédique.
Ces chambres ont servi à loger ses proches, ainsi que ses gardes du corps. Il a également bénéficié de plusieurs aménagements comme l'installation de douchettes dans les toilettes, et surtout échappé aux plateaux repas de l'hôpital, qui avait pour l'occasion fait appel à un traiteur.
En partant, l'émir s'est évidemment acquitté d'une facture très salée : 30% plus cher que les patients habituels. Au-delà de la polémique, comment et pourquoi un hôpital public peut ainsi se transformer en résidence hôtelière ? Cela suffit-il a renflouer les caisses ?
Depuis 2012 , les hôpitaux de l'AP-HP ont une réglementation pour accueillir des malades non-résidents en France. Chaque prestation est majorée : 30% de plus que le tarif Sécu. Une manne financière pour l'assistance publique, mais aussi un moyen de mieux rémunerer les grands spécialistes.
"Ces patients fortunés venus d'ailleurs permettent un supplément de revenus à l'hopital, mais aussi au personnel souvent de haute qualité dans ces hôpitaux publics. C'est une nécessité pour conserver une main d'œuvre extrêmement qualifiée au sein de l'hôpital public", selon Frédéric Bizard, économiste de la santé.
Aujourd'hui, les patients non-rédisents en France ne représentent que 0,5% du total des malades traités par les hôpitaux parisiens. L'Assistance publique souhaite tendre vers 1%, soit 3.000 patients par an. Cela devrait faire gagner 8 millions d'euros d'ici la fin 2014. Mais alors comment être sur que l'offre de soins reste équitable ?
"Vous n'avez aucune injustice sociale. Là, vous créez des inégalités, mais vous ne défavorisez pas les plus défavorisés. Au contraire, si véritablement vous en faites une stratégie, et que vous avez des revenus importants supplémentaires, vous avez finalement plus de moyens pour prendre en charge les plus défavorisés. Sur le plan moral et économique, cela peut avoir son sens", explique Frédéric Bizard.
Martin Hirsch, directeur de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a estimé mercredi 21 mai 2014 que l'"on peut concilier excellence et accueil de la précarité" dans le service publique hospitalier français, lors d'une conférence aux Salons de la Santé et de l'Autonomie. Les innovations en matière de santé sont "accessibles aux émirs, aux ministres, aux PDG, aux femmes de ménages, aux précaires, aux SDF en fonction de leur état de santé et non pas en fonction de leur statut social et financier", a-t-il dit.
Reste à moderniser le système administratif pour s'assurer que ces fameux patients fortunés règlent bien leurs factures… depuis 10 ans, l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a cumulé 90 millions d'impayés, soit l'équivalent de près de 500.000 forfaits journaliers à l'hôpital.
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