Victimes des essais nucléaires
Entre 1960 et 1996, la France a réalisé plus de 200 essais nucléaires avant de signer le traité d'interdiction complète des essais nucléaires et de s'engager à ne plus jamais réaliser d'autres tirs réels. Mais à l'époque, des milliers de civils et de militaires ont été exposés aux radiations. Parmi eux, certains ont développé des pathologies, des cancers notamment, qu'ils imputent à leur exposition aux rayonnements. Des dizaines d'années plus tard, ils essaient toujours d'obtenir réparation.
En 1960 dans le Sahara algérien, a eu lieu l'un des premiers essais nucléaires français, l'une des 210 explosions pratiquées durant 36 ans par l'Etat. Quatre essais aériens ont été réalisés à Reggane en Algérie, puis 13 souterrains à In Eker. La France a ensuite testé son arsenal nucléaire en Polynésie. 46 tirs aériens puis 147 souterrains ont eu lieu dans les atolls de Mururoa et de Fangataufa. Sur place, 150.000 personnes environ, civils et militaires, participaient à l'expérience.
Des années plus tard, certains d'entre eux ont développé des pathologies, notamment des cancers. Pour les civils, la maladie a été reconnue comme risque professionnel. Ils seront alors pris en charge et indemnisés. Mais pour les anciens militaires, la situation est plus compliquée. Convaincus que leurs maladies sont liées à l'exposition aux radiations, les anciens militaires ont déposé une demande d'indemnisation auprès de l'Etat français, mais après des mois d'attente, les dossiers ont finalement été rejetés.
"Le problème, ce sont en fait les cancers radio-induits. Ces cancers peuvent être très divers et ils ne sont quasiment pas possibles à différencier des cancers ordinaires. Et comme le cancer est fréquent dans la population générale, pouvoir déterminer si les cancers présentés par ces personnes sont liés à l'irradiation ou pas, peut être très compliqué", explique le Pr Jean-Marc Cosset, radiothérapeute et ancien membre du comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires.
La loi Morin du 5 janvier 2010 était censée tout simplifier. Pour être indemnisé, les victimes n'avaient plus à prouver le lien entre leur cancer et les essais nucléaires. Sur le papier, il leur suffisait de répondre à trois critères : "Les conditions sont être porteur d'une maladie, d'un cancer visé dans une liste, avoir séjourné dans une zone contaminée, visée dans le texte à des périodes de contamination effective. Les périodes sont également visées. À partir du moment où ces conditions sont remplies, on présume que la maladie est la conséquence de l'exposition aux rayonnements ionisants", détaille Me Cécile Labrunie, avocate.
En cas de doute, c'est dorénavant à l'Etat de prouver que la maladie n'est pas liée aux radiations. Une réserve qui explique que pour l'instant, environ 98% des demandes ont été rejetées. À l'époque, les examens étaient peu pratiqués au sein de l'armée, c'est la raison pour laquelle de nombreux malades ont fait appel de la décision de rejet. Cinquante ans après les premiers essais nucléaires, ils attendent toujours réparation.