Congés menstruels, une fausse bonne idée ?
Des entreprises proposent à leurs salariées qui souffrent lors de leurs règles de s’absenter un jour par mois si nécessaire. Mais ce "congé menstruel", qui n'est pas obligatoire en France, divise encore.
Jessica reste debout six heures par jour dans cette entreprise de fabrication de meubles. C'est son quotidien dans l'atelier de production où elle travaille. C'est un métier physique, qui demande encore plus d’effort les jours de règles. "Les 2-3 premiers jours, on a une grosse fatigue en plus. Au travail, on essaie de maintenir le cap, mais c'est vrai que certains jours, ça peut être difficile", explique-t-elle.
"Pas aussi productive que d'habitude"
Quand c’est trop difficile, Jessica peut prendre un congé menstruel. Ici, il a été adopté il y a un an. Chaque femme salariée peut prendre un jour de congé par mois, payé par l’entreprise, sur le motif de règles douloureuses et sans passer chez le médecin.
"Au début, je me dis que j'abandonne les collègues, ce n'est pas très sympa. En fait le jour même, je me dis que j'ai bien fait de prendre ce jour parce qu'on est à la maison et on sait très bien que si on avait été au travail, on n'aurait pas été aussi productive que d'habitude", commente Jessica.
En France, ils sont peu à avoir adopté ce dispositif. Mais pour Thomas Devineaux, PDG de "Louis", il n'y a aucun intérêt à ce que ses employées viennent au travail lorsqu’elles souffrent de leurs règles."Elles se forcent à venir, elles n'arrivent pas à travailler, elles font juste du présentéisme et ce n'est pas du tout efficace. Là, elles vont rester chez elles, se reposer et revenir beaucoup plus en forme le lendemain sans avoir non plus consommé un jour de congé classique", détaille-t-il.
Honte, inégalités, discriminations à l'embauche...
Ce jour de congé supplémentaire, les hommes ne peuvent pas y prétendre. Pourtant, ils l’ont tous accepté."On nous a tous posé la question, on a signé une charte, on est tous d'accord, on comprend. Je les vois souffrir, je les vois être au bout de leur vie. Moi, je ne vais pas me plaindre de ne pas avoir un congé", confie Hugo Vabre, opérateur finitions.
Au bout d’un an, seulement 12 % des congés menstruels mis à disposition ont été pris par les employées. Pour certaines associations féministes, les femmes peuvent avoir honte de poser ce congé menstruel.
Cela pourrait aussi creuser les inégalités hommes-femmes, notamment, par des discriminations à l’embauche. "Les employeurs font déjà le calcul sur les congés maternité puisqu'ils se disent telles femmes risquent de poser un projet maternité donc éventuellement, je vais plutôt favoriser un homme. Il y a ce type de questions qui se pose dans la tête des employeurs", explique Violaine Filippis-Abate, porte-parole de l'association Osez le féminisme.
Consulter en cas de douleurs
Pour le Dr Éric Sauvanet, chirurgien gynécologue à Paris Saint-Joseph, il faut surtout ne pas se satisfaire du congé menstruel."À partir du moment où vous êtes obligée de réclamer des antalgiques puissants, un arrêt de travail parce que vous n'êtes pas effective au travail, il ne faut pas que l'arrêt de travail soit le traitement du symptôme, il faut que ça soit le début de la prise en charge de la maladie", précise-t-il.
Car les femmes qui ont des règles douloureuses peuvent notamment souffrir d'endométriose. Cette maladie touche environ 1 million et demi de femmes en France.