Comment parler sexo avec son ado ?
A l'âge où son corps change, où il n'est pas encore un adulte mais plus un enfant, l'adolescent se pose de multiples questions sur la sexualité, sans oser les formuler. Quelle est la place des parents dans l'éducation sexuelle ? Comment aborder ce sujet gênant tout en ménageant la pudeur de l'ado ? Quelques pistes avant de se lancer...
L'éducation sexuelle, une éducation comme une autre
La sexualité a sa place dans l'éducation, mais les parents hésitent parfois à lancer une discussion, parce que cela les dérange et qu'ils ne sont pas à l'aise, parce qu'ils ont peur d'embarrasser leur enfant, parce qu'ils ne savent pas trouver les mots justes. Dur de passer à ces conversations d'adultes avec l'enfant à qui on lisait une histoire le soir il y a encore quelques années !
Et pourtant, il est indispensable d'aborder aussi bien des sujets concernant l'anatomie sexuelle, que la prévention des infections sexuellement transmissibles et la contraception, de façon préventive. Un ado bien informé est un ado qui sera respectueux de son corps, de celui de l'autre et qui aura les bons réflexes lors de ses premières relations sexuelles : utiliser un préservatif, quoiqu'il arrive, et mettre en place une contraception en cas de relation durable.
L'éducation sexuelle a aussi pour but de répondre aux questions auxquelles certains sites Internet ou les copains ne fournissent pas de réponses claires : "non, un sac plastique ne peut pas servir de préservatif, oui, un préservatif se met en place quand on est en érection et il faut en changer après chaque rapport. Non, la pilule ne protège pas des IST". Cela semble évident aux adultes que nous sommes, mais les ados arrivent en territoire inconnu.
Le plus souvent, les garçons parlent avec leur père et les filles s'adressent à leur mère : la discussion est plus facile avec quelqu'un du même sexe que soi. Mais tout dépend de l'intimité, certains pères se sentent tout à fait capables de parler sexualité avec leur fille, même s'ils ne sont pas la majorité !
Adapter le niveau d'information à l'âge de l'enfant est aussi nécessaire : on ne dira pas la même chose à 12 ans qu'à 16 ans. Pour mémoire, l'âge du premier rapport sexuel est de 17,2 ans pour les garçons et 17,6 pour les filles (source : enquête de l'INED, Institut National d'Etudes Démographiques, datant de 2006). Inutile donc de rentrer dans les détails dès la préadolescence (10 ans) ! Mais à cette période, on peut parler de sexualité et c'est souvent plus facile à cet âge car ils ne connaissent pas encore les bouleversements hormonaux, physiques et émotionnels très déstabilisants de l'adolescence. Leur expliquer "comment on fait les bébés", si le sujet n'a pas encore été abordé, et ce qui se passe à l'adolescence, comment le corps va changer jettent des bases de discussions ultérieures.
De plus, comme ils peuvent déjà être confrontés à des images pornographiques, il est conseillé de les prévenir qu'il ne s'agit pas de la réalité et qu'ils en parlent quand cela arrive. C'est bon de laisser une porte ouverte et leur dire qu'ils peuvent poser toutes les questions qu'ils veulent sur la sexualité.
L'art du ton juste...
La gageure consiste à trouver le juste milieu entre l'excès d'informations trop froides et la description de l'amour suivant un conte de fée de Walt Disney. Il faut réussir à parler de sexualité avec de la légèreté et de la bienveillance. Autre défi : il ne s'agit pas de forcer la discussion à tout prix mais de tester le terrain et les connaissances régulièrement et de laisser une porte ouverte.
Les points essentiels à aborder avec son ado
L'éducation sexuelle comporte la connaissance de son corps, son fonctionnement, mais aussi ceux de l'autre sexe. C'est le moment d'aborder le désir sexuel, de dire qu'il ou elle aura envie d'embrasser, voire plus, que c'est normal et que ce désir doit être partagé : respecter son désir et celui de l'autre, savoir dire non et ne pas forcer quelqu'un s'il n'en a pas envie. La relation sexuelle est un échange, un partage, qui peut toutefois avoir des répercussions négatives, comme une grossesse non désirée ou une infection.
D'où l'importance de savoir utiliser un préservatif et de comprendre la contraception, quelque soit le sexe. Les filles doivent pouvoir avoir accès à la contraception, gratuite pour les mineures, et donc accès à un professionnel de santé, ce qui pose parfois problème (seul le planning familial garantit l'anonymat de la consultation). Elles doivent être informées de la possibilité d'une contraception d'urgence, à prendre dans les 3 à 5 jours suivant le rapport.
Autre sujet encore plus tabou, la pornographie : avec Internet, les adolescents sont surexposés à des images crues, souvent choquantes, qui véhiculent une vision de la sexualité perturbée. La performance est survalorisée, les acteurs ont des sexes énormes, source de complexe terrible pour les adolescents, ils traitent de façon bestiale leurs partenaires, qui sont souvent humiliées et jouissent très rapidement. On comprend facilement combien cela peut influencer les rapports filles-garçons et combien il est important de les rassurer, de leur remettre la pornographie à sa place : un phénomène très éloigné de la réalité, un stéréotype fondé sur la domination masculine et la soumission féminine, qui n'a rien à voir avec une véritable relation. La sexualité n'est pas seulement une histoire de pulsions, elle se replace dans un contexte plus large, où tendresse et sentiment sont très importants. Les ados ont aussi envie de croire en l'amour et de vivre une véritable histoire ! La relation sexuelle est un très beau moment d'intimité, faire l'amour est un cadeau que l'on ne partage pas avec n'importe qui.
Enfin, l'adolescent doit savoir qu'il peut se confier à ses parents ou à un adulte de confiance en cas de problème (infection, grossesse, "accident de préservatif).
C'est le rôle des parents d'accompagner leurs enfants tout au long de la découverte de la sexualité, avec tact et humour. Car en parler avec le sourire est le meilleur moyen de dissiper la gêne ! Aborder la sexualité avec légèreté est plus facile et c'est aussi une bonne façon de dire que la sexualité est naturelle, fondée sur le respect de chacun. Et même si l'adolescent envoie bouler, lève les yeux au ciel ou ricane, il écoute également...
Comment lancer le sujet ?
De nombreux sites Internet peuvent servir de support à la discussion et offrir des informations validées : Allodocteurs.fr bien sûr, Educationsexuelle.fr, Tasante.fr ou encore le Fil Santé Jeunes. Un film, une série, un article, qui aborde les relations sexuelles et sentimentales, sont aussi des points de départ moins frontaux et personnels.
Les questions trop intrusives, comme "Et toi, tu as déjà fait l'amour" risquent de braquer l'ado. Il est possible de lui dire "ah tiens, j'ai lu ceci ou cela sur la contraception, les IST, la pornographie, ça pourrait t'intéresser, qu'en penses-tu ?". Chez les filles, avec l'arrivée des premières règles, le dialogue se met en place plus naturellement que chez les garçons et il est aussi plus médicalisé, avec les rendez-vous chez le gynécologue (inutile de consulter dès les premières règles toutefois !).
Et si l'adolescent brave sa pudeur et pose des questions, il est important de lui offrir des réponses, quelle que soit sa propre gêne. Y avoir réfléchi en amont permet de ne pas être pris au dépourvu (et de ne pas se défiler). Et si l'on ne se sent pas d'attaque pour lui répondre de façon détaillée, il faut lui donner les outils pour l'informer ou même prendre rendez-vous avec un médecin du même sexe, avec son accord, afin qu'il lui pose ses questions.
Attention de ne pas verser dans l'excès en voulant connaître tous les détails de la vie sexuelle de l'ado ou en partageant sa propre vie intime avec lui ! En voulant être trop complice, on risque de ne plus rester à sa place de parent. A chacun son espace…
En savoir plus :
Oups, un site sexo pour ado...
Le centre médical de la mairie de Montrouge a mis en place un site Internet destiné à informer les ados, et à parler sexualité en les amusant. Baptisé Codeoups, il propose des quizz de trois niveaux différents et met des mots simples sur ce qui intéresse et effraie tout à la fois les adolescents, le sexe dans tous ses états.
Le coin des ados
Et les ados, que pensent-ils de parler de sexualité avec leurs parents ?
A 13 ans, Julie trouverait ça "hypergênant" et préfère en parler naturellement avec ses amies, en abordant le versant personnel et non le versant médical (infections, grossesse,…) de leurs histoires. Et aborder le sujet avec un médecin ne lui vient pas à l'esprit, "peut-être s'il y a un vrai besoin", ajoute-t-elle après réflexion. Elle ne consulte pas (encore) Internet pour répondre à ses questions et trouve que si elle tombe parfois sur des images ou des pubs à connotation sexuelle, "il y a plus choquant".
Il arrive à Baptiste, âgé de 17 ans, d'en parler avec son père car il est plus à l'aise qu'avec sa mère, mais il essaie de le faire le moins possible. Toutefois, il ne "serait pas contre" qu'ils abordent les sujets d'IST et de contraception. Lui aussi, préfère, en parler avec ses amis, surtout des garçons et il ne verrait aucun inconvénient à ce que son médecin aborde le sujet. Il n'hésite pas à aller sur Internet, sur des forums spécialisés ou des sites qu'il estime fiables. Concernant la pornographie, il trouve qu'il ne voit pas tant d'images pornographiques que cela.
Quant à Philippine, 13 ans, elle arrive à parler de sexualité avec sa mère : "ça dépend sur quoi, nuance-t-elle : le préservatif, les infections, la grossesse, ça va car à l'école, on a eu des conférences dessus, donc du coup je suis plus à l'aise. Mais tout ce qui concerne ma première fois, j'aurais du mal à en parler". Elle accepterait donc sans problème que sa mère vienne la voir pour parler des aspects les plus médicaux de la sexualité. Et elle réserve les aspects plus personnels et intimes à ses copines : elle est plus à l'aise comme elles ont le même âge et sont confrontées aux mêmes choses. Elle a le même ressenti (la même pudeur à en parler ?) que Baptiste et Julie concernant la pornographie et ne s'estime pas confrontée.
Ces trois témoignages confirment que la place des parents se trouve dans la prévention, pas dans le partage amical des expériences. Une place de parents en conclusion !