Varicelle : faut-il s’inquiéter de l’épidémie en cours ?
Les cas de varicelle se multiplient en France depuis plusieurs semaines. Mais ce virus, d’apparence bénigne, présente-t-il des risques pour la santé des enfants et celle des adultes non immunisés ?
L’épidémie de varicelle bat son plein en France : 12 foyers régionaux en Pays de la Loire, Ile-de-France, Grand Est, Hauts-de-France et Occitanie et une activité modérée dans sept régions pour la semaine du 12 juin 2019, constate le réseau de veille sanitaire Sentinelles dans son dernier bulletin d’information. Mais dans quelle mesure doit-on s’inquiéter de la propagation de ce virus ?
Premier constat, une épidémie de varicelle est habituelle à cette période de l’année. Deux pics sont en effet observés tous les ans en France : un premier en mars-avril et un second en juin-juillet, rappelle Santé publique France. "La varicelle est une endémie, une maladie qui circule toute l’année en France, puisqu’il n’existe pas de mesure universelle de prévention pour l’éliminer ou lutter contre ce virus" commente le professeur Emmanuel Grimprel, pédiatre infectiologue et chef de service en pédiatrie générale à l’hôpital Armand-Trousseau. Et "heureusement, il s’agit la plupart du temps d’une maladie bénigne" ajoute la docteure Valérie Pourcher, infectiologue à l’hôpital Pitié-Salpêtrière.
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Surinfection bactérienne chez l’enfant
Mais dans certains cas, des complications surviennent. Le principal risque chez les enfants est celui d’une "surinfection cutanée par des bactéries " note le professeur Grimprel. Cette complication concerne essentiellement les enfants d’une part parce que "la varicelle est une maladie principalement infantile" et d’autre part parce que "les plus petits n’ont pas la même hygiène que les adultes" constate le pédiatre infectiologue. Problème, ces surinfections de la peau sont sévères et peuvent parfois même conduire au décès. "C’est le cas pour les surinfections à streptocoques, rarissimes mais très graves, pour lesquelles on compte quelques cas par an" déplore le professeur Grimprel.
Trois signes d’alerte
Mais plus la surinfection est traitée tôt, plus ce risque est diminué. C’est pourquoi il est primordial de savoir reconnaître les symptômes de surinfection : "Il existe trois signes d’alerte de surinfection : si les lésions deviennent douloureuses, qu’elles gonflent ou que la fièvre persiste au-delà des premiers jours, il faut consulter au plus vite" avertit le professeur Grimprel. "Une fois le diagnostic posé, le médecin mettra en place un traitement antibiotique pour éviter une surinfection sévère" détaille-t-il.
Un risque de décès multiplié par 30 après 15 ans
Outre le risque de surinfection, il existe aussi des complications neurologiques : "des cérébellites principalement, c’est-à-dire des atteintes infectieuses ou inflammatoires du cervelet" constate le professeur Grimprel. "En général, dans ce cas, l’enfant est dans un état instable pendant quelques semaines au terme desquelles il guérit."
Mais côté complications, "la maladie vieillit mal" déplore le spécialiste. "Comme pour la rougeole, quand la varicelle survient chez les adolescents ou chez les adultes, les complications sont plus fréquentes" note le pédiatre infectiologue. Autrement dit, plus on vieillit, plus la varicelle est dangereuse. Les complications à craindre sont alors des "complications respiratoires, comme la pneumopathie varicelleuse et de complications neurologiques" note la docteure Pourcher.
Ainsi, "chez les plus de 15 ans le risque de décès par varicelle est 30 fois plus élevé et celui d’hospitalisation sept fois plus élevé que chez les enfants âgés de un à quatre ans" selon un rapport du Haut conseil de la Santé publique publié en février 2016. Et, sur les 700.000 cas annuels moyens de varicelle, 90% ont moins de 10 ans, mais 75% des 3.000 hospitalisations ont moins de 10 ans et seulement 70% des 20 décès annuels ont plus de 10 ans. Des données qui reflètent bien "la gravité de la varicelle augmentant avec l’âge" interprète l’agence sanitaire.
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Malformations fœtales et zona précoce
Chez les adultes, deux catégories de personnes sont particulièrement à risque : les personnes immunodéprimées et les femmes enceintes.
Pour ces dernières, la varicelle compromet la santé du fœtus ou du nourrisson. "Si les femmes enceintes contractent la varicelle dans le premier trimestre de grossesse, le fœtus risque de développer des malformations" note tout d’abord le professeur Grimprel. Puis, "si la varicelle survient en milieu ou en fin de grossesse le fœtus la contractera aussi mais bénéficiera des anticorps de sa mère. Il risquera cependant de faire un zona précoce, c’est-à-dire une réactivation du virus de la varicelle, dans la première année de sa vie" poursuit le pédiatre infectiologue. Enfin, si la varicelle survient à quelques jours de l’accouchement, le bébé sera à haut risque d’une forme sévère de varicelle : la varicelle néonatale.
Protéger les femmes en âge de procréer
C’est pourquoi la question de l’immunité contre la varicelle se pose pour les femmes en âge de procréer. Mais comme une seule contamination protège à vie, "plus de 90% des adolescents (et a fortiori des adultes, ndlr) sont naturellement immunisés" selon Santé publique France. "Il reste donc à protéger les femmes en âge de procréer qui ne sont pas immunisées" explique le professeur Grimprel. La protection de ces femmes se fera "soit par le vaccin si elles ne sont pas ou plus enceintes, soit par une perfusion de gammaglobulines pendant la grossesse en cas de contact avec une personne contagieuse" précise le spécialiste.
A terme, une stratégie vaccinale systématique contre la varicelle pourrait être mise en place. Mais pour qu’elle soit efficace, "il faudrait que la couverture vaccinale soit excellente". Une solution difficile à envisager étant donnée la défiance croissante des Français à l’égard des vaccins.