Pourquoi la mortalité infantile augmente-t-elle en France ?
Les données semblent formelles. Après une baisse pendant plusieurs décennies, la mortalité infantile augmente en France. Comment explique t-on ce phénomène ?
L’alerte a été donnée par le blogueur Factsory sur Twitter. "Historiquement, cela fait des décennies que la mortalité infantile, qui concerne les enfants décédés avant l’âge d’un an, baisse en France. Cette période est révolue, désormais elle réaugmente".
Mais que disent les dernières données ? La mortalité infantile correspond au nombre de décès d'enfants âgés de moins d'un an pour 1000 naissances vivantes. Elle comprend la mortalité néonatale (durant le premier mois de vie) et la mortalité post-néonatale (de 2 mois à 12 mois) .
Une tendance à l’augmentation depuis 2014
Si on regarde de plus près, la mortalité aurait plutôt tendance à stagner depuis 2005 avec des fluctuations selon des années. Une légère augmentation est effectivement notée entre 2014 et 2019. Le taux de mortalité infantile passant de 3,4 à 3,8 décès pour 1000 naissances, selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Pour 2020, l'institut prévoit une baisse, avec un taux de mortalité à 3,6 décès sur 1000 naissances.
Pour Magali Barbieri, de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) : "La mortalité infantile ne baisse plus depuis une dizaine d’années en France. Et elle a plutôt tendance à augmenter depuis 2014, même si ça peut fluctuer d’une année à l’autre. Cette hausse est entièrement liée à une hausse de mortalité dans le premier mois, voire dans les premiers jours".
Faut-il relativiser ses résultats ?
L’INSEE souligne que le taux de mortalité infantile "tend à baisser depuis 2005 dans quasiment tous les pays de l'Union européenne ». La France se situe désormais à la 22e place en Europe alors qu’elle se situait dans les quatre premiers en 2004. Une vraie chute dans le classement…
La chercheuse confirme. "D’autres pays européens connaissent une stagnation ou une augmentation, comme la Belgique ou l’Italie. Mais c’est vrai que de nombreux Etats, comme l’Espagne par exemple, s’en sortent mieux". D’après la chercheuse, il y aurait un “problème français”.
Mais cette chute est elle vraiment liée une hausse de la mortalité infantile en France ? Quelles explications pour décrypter ce phénomène ? À ce jour, il n’y aucune étude précise sur le sujet, ce qui ne permet pas donc pas d’être catégorique, explique la chercheuse. Mais plusieurs pistes peuvent l’expliquer.
Une augmentation des « naissances à risques »
L’allongement de l’âge maternel et les grossesses multiples, plus fréquentes avec le recours à la procréation médicalement assistée (PMA), peuvent être en cause, explique la chercheuse. A prendre en compte aussi, paradoxalement, l’amélioration des soins à la naissance. «Les progrès de certains soins en néonatalogie peuvent également faire augmenter les statistiques de mortalité infantile. On sauve des enfants à la naissance, dont une partie meurt quand même ensuite. Ceux-là n’auraient auparavant pas été comptabilisés dans la mortalité infantile.»
Détérioration de l’accès aux soins ?
La hausse de mortalité infantile pourrait-elle aussi s'expliquer par un accès aux soins plus difficile ? « C’est effectivement possible », témoigne Mme Barbieri. « On a fermé des maternités par exemple. Mais en général, elles ont été fermées parce qu’elles avaient un niveau d’activité jugé trop faible, et donc généralement une qualité de soins également trop faible. Donc le niveau moyen des soins en maternité n’a pas forcément baissé en France (...). On n’a pas encore d’études récentes pour bien identifier ces effets structurels » souligne la chercheuse.
Autre élément à prendre en compte, le lieu d'habitation. Si on regarde la répartition géographique de la mortalité infantile en France, on constate bien une différence entre les DOM où la mortalité infantile est plus élevée qu'en métropole.
Autre facteur, les disparités sociales ?
Autre facteur à considérer : les disparités sociales. D’après Magali Barbieri, « le seul critère déterminant est si la mère est née en France ou à l’étranger. Les personnes immigrées peuvent avoir un accès aux soins plus difficile, ainsi qu’un suivi de grossesse voire un état de santé globalement dégradés ».
COVID, un impact à prendre en compte
Les mortalités maternelle et infantile ont aussi augmenté en raison de la crise sanitaire, rapporte une étude parue dans la revue scientifique The Lancet. A noter cependant, cette analyse reprend plusieurs données de 17 pays à travers le monde, mais la France n’en fait pas partie. Quels sont les éléments mis en cause ? Les effets des confinements, les perturbations dans les maternités et la peur de certaines patientes d'attraper le COVID en allant à l’ hôpital.
Même si les données ne sont pas applicables de manière directe, cela pourrait impacter les données sur la mortalité infantile en France.
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