Réforme des crèches : "Il faut remettre l’enfant au centre de la discussion"
Le Collectif "Pas de bébés à la consigne" s’est mobilisé le 23 mai contre un projet de réforme de l’accueil des jeunes enfants. Les professionnels et syndicats craignent des crèches surpeuplées au détriment de la sécurité et du bien-être des enfants.
Protéger le secteur de la petite enfance. C’est de cette volonté qu’est née la journée de mobilisation du 23 mai 2019, organisée par le Collectif "Pas de bébés à la consigne". Personnels de crèches en grève et membres des organisations syndicales sont ainsi descendus dans la rue pour dénoncer le projet de réforme qui menace l’accueil des enfants en halte-garderie. 7.200 personnes animées par la même crainte d’un accueil en surnombre et de moins bonne qualité des enfants dans les crèches se sont mobilisées dans 50 villes de France.
10 ans de désaccord
Pour le Collectif "Pas de bébés à la consigne", tout commence en 2009, quand Nadine Morano, alors Secrétaire d’Etat chargée de la Famille et de la Solidarité, publie un projet de décret pour réformer le secteur de la petite enfance. Principal objectif : augmenter la capacité d’accueil des crèches. Mais les moyens envisagés pour y parvenir ne font pas l’unanimité et plusieurs organisations de professionnels et syndicats forment ce collectif, nous raconte Emilie Philippe, éducatrice de jeunes enfants de formation et porte-parole du groupe.
Près de 10 ans plus tard, les nouvelles propositions présentées au Collectif à l’automne 2018 restent peu rassurantes : "Les pistes proposées par le gouvernement envisagent toujours d’abaisser le taux d’encadrement des enfants" alerte tout d’abord la porte-parole.
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Objectif : un professionnel pour cinq enfants
Ce taux, défini par le nombre d’enfants par professionnel, est pourtant déjà en mauvaise posture : "sur 16 pays de l'OCDE cités par le rapport Tabarot de 2008, la France arrive au 11e rang pour le taux d'encadrement" souligne le Collectif. Et, si le projet est voté, le pays pourrait même perdre des places dans ce classement : "Le taux d’encadrement actuel est d’un professionnel pour cinq enfants qui ne marchent pas et d’un professionnel pour huit enfants qui marchent" rappelle Emilie Philippe. Le décret prévoit aujourd’hui un taux unique d’au mieux un professionnel pour six, soit un bébé de plus par professionnel. Pour éviter une surcharge de travail délétère à la fois pour les professionnels et pour les enfants, le collectif propose quant à lui "un taux unique de un professionnel pour cinq enfants, quel que soit leur âge", révèle la porte-parole.
"Les enfants n’ont pas à subir cela"
Autre point de désaccord entre le gouvernement et le Collectif : l’abaissement de la part de personnel qualifié de 50 à 40%, sur laquelle le secrétaire d’Etat auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé, Christelle Dubos, ne semble pas prête à revenir. Enfin se pose la question des surfaces d’accueil. "La surface minimale de sept mètres carré par enfant pourrait être abaissée à 5,5 mètres carré dans les zones dites à forte pression foncière, au détriment de la sécurité et du bien-être des enfants" confie Emilie Philippe. "Ils n’ont pas à subir cela sous prétexte qu’ils habitent en ville. Ils ont besoin d’espace pour se déplacer " ajoute-t-elle. Et à la proposition de compenser cette réduction des surfaces par la présence d’une salle de motricité ou d’un espace extérieur, la porte-parole du collectif répond : "ce ne sont malheureusement pas des espaces dans lesquels les enfants évoluent au cours de la journée."
Créer 200.000 nouvelles places en crèche
Aux critiques succèdent les solutions : le Collectif a publié le 28 mars dernier une lettre contenant 20 propositions visant à "remettre l’enfant au centre de la discussion". Idée phare de cette liste : créer 200.000 nouvelles places en crèche sur l’ensemble du territoire. "Cela requiert certes des moyens importants, mais il s’agit d’un choix politique" avance Emilie Philippe. En parallèle, revaloriser et mieux reconnaître les métiers de la petite enfance s’avère indispensable pour la porte-parole, qui s’inquiète d’un effondrement des effectifs : "On assiste actuellement à un manque d’étudiants dans les formations des professionnels de santé, faute de valorisation. C’est inédit."
Reçu par la secrétaire d’Etat à la suite de la mobilisation, le Collectif a réitéré sa demande de participer à la négociation en cours. Prochaine étape : l’assemblée générale du Collectif, qui se tiendra à Paris le 4 juin prochain à la Bourse du travail, à laquelle sont conviés les professionnels et les parents pour prendre en compte les revendications de chaque partie prenante.