Une équipe américaine a génétiquement modifié des embryons
Après la Chine, la Suède et le Royaume-Uni, les Etats-Unis ont mené leur premier essai de modification génétique d’un embryon humain. Grâce à l’utilisation d’un "ciseau génétique", ils ont réussi à corriger des malformations cardiaques. Le procédé est encore très peu répandu, du fait des questions éthiques qu’il soulève.
Les ciseaux génétiques s’affutent. Pour la première fois, une étude utilisant l’outil d’édition génétique CRISPR/Cas9, qualifié de "ciseau génétique", a été menée aux Etats-Unis sur des embryons possédant des malformations génétiques. La technique avait déjà été employée en Chine, soulevant l’indignation d’une partie de la communauté scientifique et de l’opinion publique.
Cette fois, les chercheurs de l’Université de Santé et Médecine de l’Oregon, dirigés par Shoukhrat Mitalipov, ont réussi à corriger 72,4% des embryons testés. Ceux-ci ne se trouvaient qu’au stade d’œuf, soit trois jours après la fécondation in vitro réalisée pour le test. Les scientifiques ont utilisé des spermatozoïdes dont 50% sont porteurs d’un gène responsable d’une cardiomyoptathie hypertrophique, où le ventricule gauche est anormalement gros, ce qui s’avère handicapant voire mortel.
La technique consiste à injecter le "ciseau génétique", qui va s’installer sur le chromosme où se trouve le gène défectueux. Il va ensuite couper le morceau d’ADN contenant la malformation et le réparer. Les auteurs de l’étude ont ainsi réussi à corriger 42 des 58 embryons testés.
Un résultat bien meilleur que ceux obtenus par l’équipe chinoise pionnère en 2015. Sur des embryons porteurs d’une bêta-thalassémie (anomalie de la structure des globules rouges entraînant une anémie), l’équipe du généticien Junjiu Huang avait notamment constaté qu’après trois divisions cellulaires, seuls 4 des 54 embryons testés conservaient la correction du "ciseau génétique" dans toutes leurs cellules.
Chez sept autres, des mutations non prévues, dites off-target, avaient été observées. Un taux très élevé, beaucoup plus que ceux contastés dans les études sur les embryons de souris ou sur les cellules adultes humaines.
Des possibles dérives eugénistes et des inconnues médicales
Très efficace et peu coûteuse, la "CRISPR/Cas9" a supplanté toutes les méthodes concurrentes. La revue Science l'avait distinguée comme l'une des avancées scientifiques les plus importantes de 2013. Des chercheurs du Massachussets Institute of Technology avaient déjà démontré la possibilité d'utiliser cette technique pour guérir des souris adultes d'une anomalie génétique rare. Et si des expériences sur des cellules humaines adultes ont suivi, la manipulation d'embryons humains n'avait jamais été tentée avant le test des équipes chinoises.
Cette avancée technologique soulève toutefois des débats éthiques. Car la modification des gènes sur un embryon pourrait à terme entraîner des dérives. La couleur de peau, des yeux ou la taille pourraient ainsi être modifiés. Dans une tribune parue sur le site du Figaro en avril 2017, les généticiennes Alexandra Henrion-Caude et Catherine Bourgain et le neurobiologiste Alain Privat dénonçaient la tentation d’une forme d’eugénisme rendue possible par ces "ciseaux génétiques".
Dans la revue Nature, un groupe de scienfiques internationaux affirmaient en 2015 que cette technique d’édition génétique n’était "pas conçue pour agir sur le sperme ou les embryons", mais pouvait se révéler très efficace pour lutter contre certaines formes de cancer, le VIH ou l’hémophilie. "Ces recherches (sur l’embryon) pourraient être exploitées à des fins non-thérapeutiques", avertissaient-ils, faisant écho à la crainte des bébés conçus "à la carte", selon certains critères esthétiques. "Les effets précis d’une modification génétique sur un embryon seront très difficiles à déterminer jusqu’à la naissance, rappelaient les auteurs de la tribune dans Nature. Même après, les problèmes potentiels pourraient ne pas surgir avant des années."
La recherche en France est très encadrée
Ces écueils philophiques et éthiques ont conduit de nombreux pays à interdire la recherche sur des embryons humains. Avec les Etats-unis, seuls la Chine, le Royaume-Uni, la Suède l’ont autorisé. Comme le rapportait l’Express, les scientifiques scandinaves avaient experimenté leurs ciseaux sur embryons humains ne présentant pas d’anomalie justifiant une intervention thérapeutique. Le but : mieux comprendre le formation des gènes lors des premiers jours de l’embryon pour améliorer la fécondation in vitro.
En France, la loi de biothétique de 2004 a prohibé la recherche sur l'embryon, mais en assortissant cette interdiction de dérogations exceptionnelles, sous condition de deux critères : ces recherches doivent "permettre des progrès thérapeutiques majeurs" et ne sont autorisées qu'en l’absence de "méthode alternative d’efficacité comparable".
Comme le montre ce reportage du 26 octobre 2016 diffusé dans le Magazine de la santé, plusieurs équipes de recherche sont autorisées à conduire leurs expérimentations dans l’Hexagone. Elles ont dû remplir un dossier auprès de l’Agence de biomédecine, qui autorise ou non leurs recherches après que le projet a été passé au crible par un collège d’experts scienfitiques. Une procédure très lourde, guidée par des impératifs éthiques, qui explique le petit nombre de chercheurs français qui se lancent l’édition génétique.