"Aujourd’hui l’accès à l’IVG devient de plus en plus compliqué"
Après la volte-face des sénateurs, qui sont revenus sur l’allongement de la limite légale pour avorter, une mission d’information parlementaire va être lancée. Retour sur la polémique avec la sénatrice Laurence Rossignol.
Il y a deux jours, les sénateurs sont revenus sur un amendement au projet de loi santé qu’ils avaient pourtant adopté vendredi dernier. Il s’agissait d’allonger de 12 à 14 semaines de grossesse le délai légal pour avorter. Laurence Rossignol, sénatrice de l’Oise, et ancienne ministre de François Hollande, était à l'origine de cet amendement. Elle était l’invitée du Magazine de la santé.
- Pourquoi le Sénat est-il revenu sur ce vote ?
Laurence Rossignol, sénatrice de l’Oise : "Cet amendement a été adopté vendredi matin par un vote assis / debout. C’est quand il y a un peu de doute, le président nous fait lever et asseoir. L’amendement a été adopté par majorité des présents. J’ai bien vu que cet amendement ne convenait ni à la droite ni à Agnès Buzyn. C’était un petit peu la surprise quand il a été adopté. Je considère que ce vote était totalement légitime.
Beaucoup d’amendements sont votés de cette façon. Mais pendant le weekend, la ministre et la droite sénatoriale ont trouvé une petite combine de procédure pour faire revoter le Sénat. Comme le Sénat revotait de nouveau, l’amendement n’a pas été retenu. Cet amendement posait des problèmes à la droite car certains d’entre eux ne sont pas favorables à l’amélioration des conditions d’accès à l’IVG et pose aussi des problèmes à la majorité En Marche à l’Assemblée. Et il y a un vrai problème : ce gouvernement ne veut pas que les parlementaires fassent des propositions, ce gouvernement veut tout contrôler."
- Le droit à l’IVG est-il menacé aujourd'hui en France ?
Laurence Rossignol, sénatrice de l’Oise : "Le droit à l’IVG n’est pas menacé. En revanche l’accès à l’IVG devient de plus en plus compliqué. Lorsqu’on ferme une maternité, ça éloigne les lieux de pratique des IVG. Et en ce moment, on ferme beaucoup de maternités ! C’est de pire en pire dans les déserts médicaux. Et puis, il y a beaucoup de médecins qui refusent de pratiquer les IVG parce qu’ils ont une double clause de conscience, une clause spécifique à l’IVG qui vient s’ajouter à la clause de conscience prévue pour tous les soignants."
- Pourquoi faudrait-il allonger de deux semaines la limite légale pour avorter ?
Laurence Rossignol, sénatrice de l’Oise : "En Europe, il y a beaucoup de pays qui autorisent des délais supérieurs aux nôtres. En Islande, c’est 22 semaines, en Suède c’est 18 semaines. C’est pour ça que chaque année, 3000 à 5000 femmes françaises vont à l’étranger pour bénéficier d’un avortement plus tardif. Et il ne faut pas croire que c’est à cause d’une négligence de la part de ces femmes…
Beaucoup découvrent qu’elles sont enceintes tardivement, parce qu’elles prennent un contraceptif. Il y a aussi des adolescentes qui ne comprennent pas ce qui leur arrive. Aujourd’hui, 5% des IVG se pratiquent sur les deux dernières semaines."