Les vétérinaires ruraux à bout de souffle
Comme les déserts médicaux, les déserts vétérinaires se multiplient dans les campagnes. Les vétérinaires ruraux manquent et souffrent d'une charge de travail et d'un stress importants. Reportage dans l’Allier, un département qui peine à les recruter.
Dans cet élevage de Charolaises, la journée démarre pour Jérôme Chantreau, vétérinaire à Saint-Désiré. Près de Montluçon, une visite de contrôle l'attend." Je viens voir une vache à laquelle j’ai fait une césarienne hier. Je viens vérifier que le veau va bien et puis qu’elle va bien aussi", explique-t-il.
Jusqu’à 200 kilomètres par jour
Les élevages n’ont plus de secret pour cet habitué du milieu rural. 25 ans d’exercice, de soins aux animaux de ferme… et toujours la même rigueur.
Il n'y a aucun problème pour ce petit veau et sa mère, Jérôme peut reprendre les routes de l’Allier. Un territoire si vaste que le vétérinaire peut parcourir jusqu’à 200 kilomètres par jour, avec, au quotidien, un planning bien rempli.
"On a des charges de travail horaires assez importants, la fatigue accumulée, les rythmes de vie compliqués. À un moment, c’est épuisant", commente Jérôme Chantreau.
Toute la matinée, les interventions s’enchaînent. Traitement d’une maladie de l'œil, vaccinations de bovins… Ces visites de routine nécessitent ensuite un travail administratif conséquent.
"Ça me fait réfléchir à changer de métier"
"Le temps de vaccination est le temps le plus court. Mais avec la rangée de bovins qu’il y a, ça prend vite un quart d’heure, vingt minutes, rien que pour faire les signatures. Ça peut être très, très chronophage", précise Jérôme Chantreau.
Dans son cabinet, Jérôme s'est associé avec quatre autres vétérinaires. Pourtant, l’équipe manque de bras : elle tente de recruter deux postes supplémentaires, mais sans succès… Jérôme, lui, arrive à saturation.
"Si je devais avoir un rythme plus élevé, je pense que je refuserais. Pour le coup, ça me ferait réfléchir à changer de métier", confie Jérôme Chantreau.
Des conséquences sur la santé
Ce rythme éreintant n’est pas sans conséquences sur la santé de Jérôme. Il a déjà fait trois infarctus du myocarde à 51 ans. La surcharge de travail y est pour beaucoup.
Déjà, une urgence se profile à 20 kilomètres. Un vêlage difficile, il faut faire vite… La vache et son petit sont en danger. Une césarienne s’impose. Sous anesthésie locale, la vache ne sent rien. Au bout d’une vingtaine de minutes, le geste est physique et impressionnant. La vache et son veau, qui pèse déjà plus de 50 kilos, sont en bonne santé.
"Je suis venu dans le Charolais pour ça. Il y a un petit veau vivant, une vache qui va bien. Parfois, j’en ai même encore la larme à l’œil, après 25 ans de métier. C'est pour ça que je fais ce travail-là", conclut Jérôme Chantreau. L’émotion est toujours intacte. Jérôme Chantreau tient bon, mais pour combien de temps encore ?
Sur les 20 000 vétérinaires que compte la France, seuls 6 500 soignent aujourd’hui les animaux d’élevage.