Cancer du sein : quand la médecine prédictive améliore les dépistages
Calculer un risque de cancer en fonction des marqueurs cliniques et biologiques pour mieux prévenir la maladie. C’est le fondement de l’oncologie prédictive, particulièrement utilisée contre les cancers du sein.
"Mon risque de faire un cancer du sein dans les 10 prochaines années est de 5%, soit huit fois plus qu’une autre femme de mon âge", raconte Hélène*, 31 ans. Ce chiffre, elle l’a obtenu à l’issue d’une consultation de médecine prédictive, encouragée par sa gynécologue aux vues des nombreux cas de cancers du sein dans sa famille (mère, grand-mère et tantes). Malgré son jeune âge, Hélène a donc reçu la recommandation de réaliser une mammographie, une échographie mammaire et une IRM une fois par an jusqu’à ses 40 ans, âge auquel son risque sera recalculé.
Mieux dépister, prévenir et traiter
Mais en quoi consiste cette spécialité de médecine prédictive ? Son principe : prédire un risque pour mieux dépister, prévenir et traiter une maladie. Elle est particulièrement utile "en cas d’antécédents familiaux" pour mettre en place un suivi individuel et un dépistage adapté à chaque profil, nous explique le professeur Pascal Pujol, généticien cancérologue et Président de la Société Française de Médecine Prédictive et Personnalisée (SFMPP). Cela s’applique aux maladies rares, aux maladies génétiques mais aussi aux cancers. Il s’agit alors d’oncologie prédictive, comme dans le cas d’Hélène.
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Cinq facteurs pour le cancer du sein
A priori, ce type de médecine est possible pour tous les cancers qui peuvent faire l’objet d’un dépistage : "sein, côlon, poumon" ou encore mélanome sont ainsi concernés, avance Valérie Hélin, directrice des affaires médicales de la société Predilife spécialisée en intelligence artificielle et statistiques médicales.
En pratique, la consultation s’appuie sur des marqueurs génétiques, cliniques, biologiques et d’imagerie. Pour le cancer du sein, cinq marqueurs sont pris en compte : le résultat d’un test génétique salivaire (qui analyse une centaine de variations ponctuelles dans le génome associées à un surisque de cancer du sein), la densité mammaire et trois données cliniques à savoir l’âge, le nombre d’apparentées au premier degré (mère, sœur, fille…) atteintes d’un cancer du sein et les résultats d’une éventuelle biopsie mammaire. C’est à partir de ces facteurs que la société Predilife a notamment développé l’outil MammoRisk®, un test d’évaluation du risque à cinq ans du cancer du sein chez les femmes à partir de 40 ans.
Pour les femmes à risque, et toutes les autres
L’oncologie prédictive du cancer du sein est proposée en particulier aux femmes qui présentent des antécédents familiaux et une forte présomption génétique, mais est accessible à toutes les femmes qui le demandent. C’est le cas de Nora, 53 ans, qui n’avait jamais osé franchir le cap de la mammographie. L’idée d’une approche personnalisée l’a aidée à se lancer. "Je n’avais pas de profil prédisposant mais comme tout le monde, j’ai peur du cancer du sein" nous confie-t-elle.
Elle a choisi de réaliser un examen clinique, une mammographie et un test génétique à partir d’un prélèvement buccal "totalement indolore" raconte-t-elle. Les résultats, obtenus en un mois, ont révélé un bas risque et une fréquence de suivi standard, tous les deux ans. Une conclusion "rassurante" pour Nora, qui a toutefois conscience qu’un bon résultat "ne dispense pas d'un dépistage sérieux et régulier par mammographie".
Jusqu’à 400 euros, non remboursés
En France, plusieurs centres proposent ce type de consultation : l’Hôpital Américain de Paris (Neuilly-sur-Seine), où Nora a réalisé sa consultation, l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, où s’est rendue Hélène, mais aussi certains cabinets de gynécologues libéraux qui pratiquent des tests prédictifs proches de ceux créés par la société Predilife. Une approche encore très localisée géographiquement, dénonce Nora : "Je me considère chanceuse d’avoir eu accès à cette consultation de pointe mais ce n’est malheureusement pas accessible à toutes les femmes."
D’autant que ces tests coûtent cher, notamment lorsqu’ils incluent des tests génétiques : jusqu’à 400 euros non remboursés. "Ce que l’on espère, c’est que ces tests suivent l’exemple de celui de la trisomie 21 : que leur prix diminue et qu’ils soient finalement remboursés" avance Valérie Hélin.
"Voulez-vous savoir ?"
Et si dans un futur proche, tel était le cas ? Pour le cancer du sein mais aussi pour d’autres cancers ou d’autres maladies à composante génétique, pourrait-on imaginer une société où chaque individu bénéficie d’une médecine prédictive et personnalisée ? Rien n’est moins sûr pour le professeur Pujol : "C’est bien beau de prédire un risque mais quel est l’intérêt si l’on est incapable d’agir ensuite contre la maladie en question ?"
Autre limite, selon le généticien oncologue : l’autonomie du patient. Dans cette utopie, il serait indispensable d’une part de fournir une information éclairée à chaque patient et d’autre part de lui poser une question fondamentale : "voulez-vous savoir ? "
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* Le prénom a été modifié.