Cancer : les médicaments anti-acide réduiraient l’efficacité d’un traitement
L’utilisation de médicaments contre l’acidité gastrique diminuerait notablement l’efficacité d’un traitement contre le cancer, le pazopanib, et la survie des patients.
Attention aux interactions entre médicaments. Des chercheurs en oncologie de plusieurs instituts et universités, dont le centre de lutte contre le cancer Gustave Roussy, montrent dans une nouvelle étude qu’associer des médicaments contre l’acidité gastrique et du Votrient®, un traitement anti cancéreux à base de pazopanib, posséderait des effets délétères sur l’efficacité du traitement et sur la survie des patients. Les médicaments anti-acide concernés sont l'oméprazole (Mopral®), l'esoméprazole (Inexium®), ou encore la ranitidine (Azantac®), disponibles pour certains d’entre eux en vente libre.
A lire aussi : Comment se renseigner sur les éventuelles interactions médicamenteuses ?
Une différence de survie de plus de quatre mois
Les chercheurs sont arrivés à ce constat lorsqu’ils ont analysé les données de deux essais cliniques portant sur des personnes souffrant d’un type de cancer particulier : le sarcome des tissus mous (tissus adipeux, muscles, vaisseaux, estomac, côlon…) avec métastases. Le premier essai réunissait 333 patients traités par le pazopanib. Parmi eux, 117 ont reçu des médicaments anti-acide au moins une fois pendant leur traitement anticancéreux et 59 (soit 17,7%) d’entre eux ont pris un anti-acide pendant plus de 80% de la durée du traitement au pazopanib. Résultat : chez les patients ayant pris un anti-acide pendant au moins 80% de la durée de leur traitement au pazopanib, la survie globale médiane était de 8 mois, contre 12,6 mois chez les patients qui n’en ont pas pris.
Le deuxième essai, portant sur 110 patients, avait pour but d’évaluer l’efficacité du pazopanib contre un placebo. Les résultats obtenus "[suggèrent] que l’interaction médicament-médicament entre les anti-acide et le pazopanib a eu une incidence directe sur les résultats de survie des patients atteints de sarcome" rapporte le docteur Olivier Mir, oncologue médical et pharmacologue à Gustave Roussy, dans un communiqué de ce centre.
L’efficacité du pazopanib repose sur l’acidité de l’estomac
Mais pourquoi des médicaments anti-acide pourraient avoir un tel effet sur l’efficacité d’un traitement anticancéreux ? Simplement parce que l’action des premiers inhibe celle des seconds : "Nous savons que les comprimés de pazopanib pris par voie orale doivent passer dans un milieu acide, c'est-à-dire dans l'estomac, pour se dissoudre. Comme la principale fonction du traitement anti-acide est de réduire l'acidité de l'estomac, ces traitements peuvent diminuer l'absorption du pazopanib" décrit le docteur Mir. Conséquence, lorsque le pazopanib est pris en même temps que des anti-acide, son taux dans le sang du patient et donc son efficacité sont réduits.
Pour éviter de diminuer l’effet des anticancéreux, l’oncologue appelle donc à plus de vigilance : "Les médecins et les pharmaciens devraient particulièrement surveiller les patients qui prennent ces deux traitements simultanément car leur association peut avoir un impact négatif significatif". Le docteur Mir rassure cependant : si 50% des personnes qui suivent un traitement contre le cancer prennent des anti-acide, nombreux sont ceux qui pourraient "avoir recours à un traitement différent". En effet, "les patients ont souvent recours à des anti-acide pour soulager des douleurs abdominales qui ne sont pas toujours directement liées à l'acidité de l'estomac" et pour lesquelles d’autres traitements existent.