Prévenir le cancer par l'alimentation : démêler le vrai du faux
Les études scientifiques s'accumulent et tendent à montrer que notre alimentation aurait un impact sur l'apparition de cancer. Qu'en est-il vraiment ? Quels sont les aliments impliqués dans les risques de cancers ? Lesquels ont un effet protecteur ?
- Selon des études scientifiques, notre alimentation aurait un impact sur l'apparition de cancer. Qu'en est-il vraiment ?
Dr Patrick Serog, nutritionniste : "Il est difficile de mesurer la responsabilité de notre alimentation dans l'apparition des cancers. Mais certaines études épidémiologiques sont assez convaincantes comme celles des Japonais ayant migré aux États-Unis. On observe dans cette population que progressivement l'incidence du cancer du côlon qui est basse au Japon rejoint celle de la population autochtone en deux générations alors que le taux de mariages mixtes est très faible dans cette population. Des données similaires ont été rapportées pour des populations européennes ayant émigré en Australie.
"Même si on ne peut écarter complètement l'impact des facteurs environnementaux, l'hypothèse la plus cohérente est celle de la modification progressive de génération en génération des habitudes alimentaires qui rejoignent progressivement celles de la population locale et qui représentent un facteur déterminant d'apparition de nombreux cancers.
"On estime que l'alimentation rentre pour 30% dans le risque de déclencher un cancer. Les autres facteurs sont les facteurs génétiques et épigénétiques et l'environnement."
- Quels sont les aliments impliqués dans les risques de cancers ?
Dr Patrick Serog : "Les aliments impliqués sont les viandes rouges et les poissons. Plusieurs études épidémiologiques montrent qu'une consommation élevée de viandes rouges, c'est-à-dire plus de 160 grammes par jour comparée à une consommation de moins de 20 grammes par jour, augmente le risque de cancer colorectal de 35%
"À l'inverse, une consommation élevée de poisson, plus de 80 g/j contre une consommation faible (moins de 10 g/j), permet une diminution de 31% du risque de cancer colorectal."
- Le mode de cuisson joue-t-il un rôle ?
Dr Patrick Serog : "Le mode de cuisson à haute température ou directement sur la flamme facilite, à partir de la combustion des graisses, la production d'hydrocarbures aromatiques polycycliques et d'amines hétérocycliques hautement cancérogènes."
- La consommation excessive d'alcool favorise-t-elle l'apparition de cancers ?
Dr Patrick Serog : "L'alcool provoque des cancers des voies aéro-digestives supérieures (larynx, pharynx, oesophage) et du foie. Ce lien est vérifié pour des consommations supérieures à 40g/jour (cinq verres de vin par jour).
"Il existe un effet dose. Le risque est faible pour 10 grammes d'alcool par jour, mais dépend aussi de chaque individu et certainement de ses prédispositions génétiques. Mais le risque de cancer diminue progressivement après l'arrêt de la consommation d'alcool pour revenir au risque des non-buveurs dans un délai de 15 à 20 ans. Ce risque est majoré avec la consommation de tabac."
- Quel est le lien entre surcharge pondérale et cancer ?
Dr Patrick Serog : "On constate dans les études que la surcharge pondérale est corrélée avec une augmentation significative de certains cancers comme ceux de l'oesophage, du côlon, du rein et chez la femme de l'endomètre.
"Mais il faut noter également que les personnes en surcharge pondérale surveillent moins bien leur santé que les personnes de poids normal, ce qui peut expliquer en partie la détection tardive de cancers évolués dans cette population."
- Existe-t-il des aliments protecteurs des cancers ?
Dr Patrick Serog : "Les études épidémiologiques vont dans le même sens : la consommation de fibres alimentaires par les fruits et légumes de toutes les couleurs, diminue le risque de cancer du côlon mais pas seulement :
- Le brocoli contient des substances anticancéreuses. Sensible à la chaleur, il vaut mieux le consommer peu cuit, accompagné de moutarde ou de raifort. Cette absorption de substances actives va considérablement augmenter et avec elle, l'effet préventif du brocoli.
- La grenade de couleur rouge foncé comprend des anthocyanosides qui ont un effet préventif sur le cancer de la prostate.
- L'ail contient de nombreux composés ayant un rôle préventif pour de nombreux cancers dont l'allicine. L'ail stimule notre système immunitaire et des études in vitro montrent qu'il peut bloquer la prolifération de cellules malignes.
De plus, l'ail lutte contre l'angiogenèse, cette faculté des tumeurs cancéreuses à multiplier la formation de vaisseaux pour apporter plus de nutriments et d'oxygène à la tumeur afin qu'elle se développe plus vite. L'ail pourrait donc ralentir l'évolution de tumeurs cancéreuses.
On a pu démontrer, chez l'homme, que la consommation importante d'ail quotidienne (28 grammes) permettrait de réduire de 30 à 40% la survenue de cancers de l'estomac et du côlon. En revanche, la prise d'antioxydants en comprimés ne donne aucun résultat pour diminuer le risque de cancer."
- Les épices sont-elles bénéfiques ?
Dr Patrick Serog : "Le curcuma est intéressant. Le curcuma est capable d'induire l'apoptose (la destruction) de cellules cancéreuses in vitro. Mais le curcuma une fois avalé est rapidement détruit par l'organisme et n'a pas le temps de mettre en oeuvre ses propriétés constatées en laboratoire.
"On peut augmenter son efficacité en prolongeant son mode d'action, en le consommant avec du poivre. La pipérine contenue dans le poivre multiplie la durée de vie du curcuma dans notre organisme par 2000. Efficacité démontrée dans le myélome (cancer de la moelle osseuse) pour allonger la vie. Également dans le cancer de la prostate et du pancréas."
- Faut-il boire du café ?
Dr Patrick Serog : "Le café contient plus de 1.000 constituants. Le plus connu est la caféine mais il est aussi riche en antioxydants. Ces antioxydants sont surtout des polyphénols et des diterpènes. La consommation de café exerce un effet protecteur sur le risque de développer un cancer, la baisse du risque est souvent assez marquée. Les antioxydants sont suspectés d'être les agents actifs, mais la caféine serait également protectrice dans certains cancers.
"Les organes protégés sont la prostate et endomètre (il s'agirait d'une action conjuguée de la caféine et des autres constituants du café), le sein (on avance le rôle prépondérant de la caféine), la peau (la caféine est impliquée), le cancer colorectal (l'effet protecteur serait lié aux diterpènes : cafestol et kahwéol). S'y associe une inhibition de la croissance des cellules cancéreuses du côlon par la caféine.
- Y a-t-il une alimentation à suivre en cas de cancer pour mettre toutes les chances de son côté et diminuer le risque de récidives ?
Dr Patrick Serog : "Il faut lutter contre la dénutrition. Le premier risque est celui d'une dénutrition due d'abord à la maladie elle-même, aux traitements anti-cancéreux et ensuite à l'anorexie que cette maladie engendre liée à des troubles gustatifs et olfactifs.
"Il faut essayer de préserver l'apport en protéines pour épargner le capital musculaire. Tester des préparations alimentaires avec des goûts différents pour trouver la meilleure proposition possible."
- Les conseils du Dr Patrick Serog
Dr Patrick Serog : "Évitez les odeurs culinaires et ne mangez pas dans la cuisine. Faites une présentation colorée des plats avec des assiettes peu remplies de nourriture. Favorisez le fractionnement alimentaire et évitez les viandes rouges au début. Enrichissez les préparations (oeufs, fromage râpé, crème…) et ne vous imposez pas d'heures fixes de repas. Allégez de manière importante la quantité alimentaire le jour de la chimiothérapie.
"Lorsque la ration alimentaire n'est pas suffisante malgré les efforts du patient, utilisez des compléments alimentaires liquides que votre médecin vous prescrira en plus de votre alimentation."
Recette de sole aux antioxydants
Si vous manquez d'idées pour allier tous les aliments riches en antioxydants, Damien Vincendeau, chef cuisinier, vous donne la solution avec une recette. Au menu : une sole aux antioxydants. Vous retrouverez la recette complète, ingrédients et préparation étape par étape, dans la vidéo ci-dessus.