Comment le cerveau ''entend-il'' la musique ?
♬ MUSIQUE ET CERVEAU - Dans les années 1980, les progrès de l'imagerie médicale ont ouvert une fenêtre sur le cerveau "en train de penser". Dans un premier temps, l'enjeu fut d'identifier quelles zones cérébrales entraient en activité lorsque des paroles ou des images était perçues. Près d'une décennie s'écoulera avant que des expérimentations sérieuses confrontent le cerveau à la musique.
Lorsqu'un cerveau perçoit de la musique, ce n'est pas une zone spécifique et isolée qui s'active. Sur les moniteurs qui permettent de visualiser le phénomène, un feu d'artifice semble embraser le cerveau tout entier.
L'influx nerveux produit par l'excitation de nos tympans (voir encadré) est transmis au tronc cérébral, puis au cervelet. Quelques instants plus tard "s'illumine" le cortex auditif. Il est situé de part et d'autre de notre crâne, dans la partie supérieure du lobe temporal... pas très loin de nos oreilles ! Ici, les signaux nerveux sont analysés de façon sommaire (hauteur et volume du son).
Mais dès lors que l'on est en présence de musique, d'autres zones sont bientôt sollicitées. L'imagerie montre ainsi que si le son perçu possède un rythme, son analyse est réalisée dans les cortex frontaux et pariétaux (à la surface des lobes équivalents) et, de nouveau, dans le cervelet. De façon notable, dans le cortex frontal (à la frontière avec le pariétal), le cortex moteur trépigne d'impatience de s'activer... voilà probablement pourquoi il est si tentant de battre la mesure avec le pied dès que l'on perçoit un rythme !
Les variations de la tonalité activent - outre l'incontournable cervelet - le cortex préfrontal (la partie la plus avancée du cortex frontal, siège de nombreuses fonctions exécutives complexes), et de nombreuses régions du lobe temporal.
Est-ce tout ? Non. Si la musique que nous écoutons nous est connue, le cortex préfontal travaille de plus belle, et une nouvel élément est mis à contribution : l'hippocampe, structure centrale de la mémoire.
Lorsque l'on fredonne une musique "dans sa tête", la plupart des zones activées lors d'une écoute réelle s'activent. Seul le cortex auditif est "en sommeil", tandis que le lobe frontal, travaille lui, à plein régime !
Mais la musique, ce ne sont pas que des rythmes et des tons. Ce sont aussi... des émotions. Dès lors que nous ne sommes pas indifférents à ce que nous entendons, le cortex orbitofrontal (la partie à l'extrémité inférieure du cortex frontal, lieu clef du processus de récompense) et l'amygdale (évaluations des stimuli sensoriels, réponse à la peur, au plaisir…) frémissent de milliers d'influx nerveux.
Avec tant de zones cérébrales sollicitées, la musique ne s'efface pas facilement de nos esprits...
Musicothérapie et démence
De fait, de nombreuses personnes aidant les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer ont remarqué qu'en dépit de leur pathologie, celles-ci se souviennent souvent de vieilles chansons. Il est vrai que, musique ou pas, les souvenirs anciens résistent mieux que les autres. Mais des chercheurs caennais ont récemment montré que ces malades parvenaient aussi à apprendre... des chansons nouvelles. Les paroles sont rapidement oubliées, mais les mélodies, elles, s'ancrent.
"Le plus surprenant", nous expliquait le neuropsychologue Hervé Platel, "c'est que quatre mois après ces séances, lorsqu'on leur présente les paroles [de ces nouvelles chansons], et qu'on leur demande si elles leur évoquent quelque chose, les malades répondent très positivement. Ils sont incapables de savoir dans quel contexte ils ont été en contact avec la chanson, mais si on leur demande s'ils sont capables de la chanter, certains patients, à des stades très avancés de la maladie - c'est-à-dire très amnésiques, qui ignorent même leur âge - sont capables de chanter spontanément la mélodie."
A force de répétition, émerge un sentiment de familiarité avec les chansons. Mais l'écoute musicale, malheureusement, ne guérit pas. L'imprégnation perspective ne stimule pas suffisamment la plasticité cérébrale, "pour doper les autres aspects de la mémoire qui sont en train de s'effondrer".
Les ondes sonores qui atteignent nos oreilles cheminent le long du conduit auditif vers le tympan. Les vibrations sont alors transmises à trois osselets, puis à la cochlée.
Cette structure en colimaçon (dans la partie inférieure de l'oreille interne, voir illustration ci-dessous) abrite des cellules couvertes de filaments – les cils – qui ondulent au gré des vibrations. Les cellules transforment ces vibrations en impulsions électriques et les transmettent, via le nerf auditif (ou nerf vestibulocochléaire), jusqu'au tronc cérébral.
Aux personnes atteintes de surdité sévère, il est possible de poser un implant cochléaire. Un micro envoie par ondes radio un signal à un dispositif implanté sous la peau. Le signal est converti en impulsions électriques, et transmet des électrodes insérées dans la cochlée, pour stimuler le nerf auditif.
Cette stratégie ne fonctionne pas pour les personnes nées sans ce nerf. Le 13 février 2015, des chercheurs de l'université de Californie du sud ont annoncé avoir posé à quatre enfants un implant spécifique directement sur leur tronc cérébral . Chez ces patients, aucune structure de l'oreille n'est utilisée pour entendre !
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