Sclérose en plaques : les patients experts à l'action
Huit patients atteints de sclérose en plaques sont retournés sur les bancs de l'école entre 2014 et 2015. Objectif : devenir patient expert, autrement dit acquérir des compétences les rendant autonomes pour intervenir dans les institutions sanitaires, les associations, les réseaux. Une première dans cette affection neurologique qui concerne 90.000 patients en France…
Longtemps ignorés par les médecins, les patients font désormais valoir leurs connaissances de la maladie chronique, complémentaires de l'expertise scientifique des médecins. Ils sont les premiers concernés par leur affection et leur expérience est primordiale.
Le concept d'éducation thérapeutique du patient a émergé il y a une trentaine d'années dans les pays anglophones : il transforme le malade en partenaire incontournable de sa prise en charge. Après des années de maladie, il se connaît en effet très bien et dispose de connaissances pratiques acquises au fil de la vie quotidienne avec une invitée indésirable...
La formation de patient expert pousse les connaissances plus loin, afin de rendre le dialogue plus pertinent et humain avec les professionnels de santé, les autorités médicales et les autres patients.
En quoi consiste la formation ?
Les facultés de médecine proposent des formations, tout comme les associations de patients, avec l'aide de financements de laboratoire (voir encadré). Le statut est encore mal défini en France : il n'en existe pas d'officiel, ce qu'il faudrait pour légitimer ces partenaires de soins. Mais officieusement, un patient est reconnu expert par les autorités médicales dès lors qu'il a suivi une formation lui dispensant différents cours.
En l'occurrence, pour les "patients experts SEP (sclérose en plaques)", il s'agit de 5 modules de 2 jours, destinés à former les patients en éducation thérapeutique, à transformer leur vécu de la maladie en compétences, à approfondir les connaissances de la maladie. La prise de paroles en public, le fonctionnement des institutions sanitaires françaises, les techniques d'animation de groupe de paroles (pour les associations et réseaux) sont également abordés. Le but est de les rendre acteurs autonomes de leur maladie et capables d'aider d'autres patients, plus novices, ou d'intervenir en institution.
Des patients experts à l'action
Les huit patients atteints de sclérose en plaques veulent tous faire avancer les choses, pour une meilleure prise en charge des patients. Ils essaient de faire parler davantage de leur maladie :
Elle débouche en effet sur des actions de communication, destinées à faire sortir de l'ombre la maladie et permettant d'en parler de façon plus positive :
Bien évidemment, les patients experts ont un rôle d'ambassadeurs auprès des autres patients : ils les font bénéficier de leurs expériences, de leurs conseils et leur prêtent une oreille attentive et compatissante, particulièrement importante. Ils sont rassurants pour les autres : oui, il est possible de se remettre du choc initial du diagnostic et d'être heureux avec une maladie chronique, de profiter des hauts tout en gérant les bas.
Certains patients, sont plus impliqués dans les réseaux, à l'instar de Nadège ou de Benjamin, qui sont très actifs au sein du réseau lorrain destiné aux patients qui ont une SEP :
De plus, les patients experts ont également un rôle à jouer dans le système sanitaire : Anne-Alexandrine, dynamique avocate de 30 ans, relaie le point de vue des patients à la HAS (Haute Autorité de Santé), pour améliorer la collaboration avec les praticiens. Françoise, atteinte d'une forme progressive de la maladie et âgée de 61 ans, souhaite impliquer davantage les associations à l'hôpital. Elle participe ainsi aux réunions avec la Ligue Française contre la sclérose en plaques, et la Pitié-Salpétrière, centre expert des maladies neuro-dégénératives. Elle se bat pour que les patients aient accès à un médicament à base de cannabis, efficace sur la spasticité.
Les patient fourmillent d'idées pour faire bouger le monde de la SEP : Michèle met sa joie de vivre au service de l'association qu'elle a créée, Elan SEP. Sébastien, ancien rugbyman, a fait du sport son cheval de bataille dans l'acceptation de la maladie. Il organise régulièrement des évènements sportifs au profit de l'Association de Recherche sur la Sclérose en Plaques, à suivre sur sa page Facebook SEP'ossible.
L'indépendance mise en jeu ?
La formation, réalisée en lien avec une association, est parfois financée par un laboratoire. Certains allèguent alors que l'indépendance des patients experts est sujette à caution.
Un argument qui se tient, mais auquel s'oppose une vision plus pratique des choses : en partant du principe que les médicaments sont indispensables au traitement, il est préférable que l'industrie se focalise davantage et plus concrètement sur les besoins des patients que sur leurs chiffres d'affaires (l'un n'empêchant pas l'autre, soyons réalistess).
De plus, c'est faire injure à l'esprit critique des malades, qui n'ont aucun compte à rendre au laboratoire mais travaillent avec l'association, à la suite de la formation.