Insuffisance cardiaque : quatre symptômes qui doivent vous alerter
Cette maladie, qui touche près de 1,5 million de Français, est largement méconnue et souvent diagnostiquée tardivement.
Tout le monde est capable d'associer douleur dans la poitrine et risque d'infarctus mais peu de patients connaissent les signes d'alerte de l'insuffisance cardiaque. Une pathologie qui survient lorsque le coeur fatigué n'assure plus correctement le débit sanguin nécessaire aux besoins de l'organisme. La Société française de cardiologie veut sensibiliser le grand public sur cette pathologie méconnue afin d'améliorer le diagnostic et les chances de survie.
Le professeur Thibaud Damy, cardiologue à l'hôpital Henri-Mondor de Créteil (AP-HP), répond aux questions du Magazine de la santé.
- Quels sont les signes qui doivent alerter ?
Pr Thibaud Damy : "On peut résumer ces symptômes par un acronyme très simple, « EPOF » : Essoufflement ; Prise de poids ; Œdèmes et Fatigue. On a conduit une étude sur 5.000 Français pour les interroger sur leurs connaissances sur l’insuffisance cardiaque et ses symptômes. 7 Français sur 10 ont déjà entendu parler vaguement de l’insuffisance cardiaque. Mais quand on leur présente ces symptômes, seulement 45% d’entre eux vont relier l’essoufflement à un problème cardiaque. Et pour les oedèmes et la prise de poids, seuls 6% des Français interrogés font le lien. Ce manque de connaissances aboutit à un retard diagnostique que toute la filière de soins voit au quotidien. Les patients souffrant d’insuffisance cardiaque arrivent toujours trop tard !".
- Selon l'étude que vous avez menée, même les médecins ont du mal à diagnostiquer l'insuffisance cardiaque...
Pr Thibaud Damy : "C’est incroyable mais c’est vrai... Nous avons fait une autre étude sur 1.000 patients hospitalisés pour une insuffisance cardiaque et nous les avons interrogés sur les premiers symptômes qu’ils avaient développés, quand ils les avaient développés et leur parcours de soins. Résultat : 40% ont eu ces symptômes depuis plus de deux mois, la moyenne est de quatre mois, et pourtant il n’y a eu aucune prise en charge. Un certain nombre d’entre eux a pu voir un médecin dans le mois précédant leur hospitalisation et pour autant, le diagnostic n’a pas été posé ou évoqué. Et quand on regarde quel a été le parcours de soins pour arriver à l’hôpital, 43% des patients arrivent via les urgences et 22% arrivent directement dans les services de réanimation, adressés par les pompiers ou le Samu. Cela signifie que 60% des patients ne rentrent pas par les filières de soins adaptés."
- C'est un problème de formation des médecins, qui serait insuffisante dans ce domaine ?
Pr Thibaud Damy : "Je crois que c’est aussi un problème qui vient des patients qui ne peuvent pas exprimer leurs symptômes, exprimer leur maladie. Les patients ne pensent pas forcément à dire qu’ils ont des oedèmes, qu’ils ont pris du poids et relier ces symptômes au coeur. Ils vont dire à leur médecin qu’ils ont un essoufflement, ils vont être aiguillés vers des pneumologues... Donc il y a beaucoup de progrès à faire en la matière."
- L'insuffisance cardiaque est-elle une urgence ?
Pr Thibaud Damy : "C’est une urgence parce qu’évidemment, le cœur est vital. Cette maladie entraîne 60.000 décès chaque année en France, 1 décès toutes les 7 minutes. Pourtant, nous avons des médicaments, des moyens thérapeutiques pour traiter et améliorer la fonction cardiaque et sauver des vie. Mais il est indispensable que les patients puissent en bénéficier le plus tôt possible, avant que les dégâts ne soient irréversibles. Donc il y a vraiment urgence à mieux informer les Français. Une simple prise de sang permet de doser les marqueurs cardiaques et on peut sauver des vies grâce à cela."