Levothyrox : la crise était d’abord médiatique selon une mission parlementaire
Le député Jean-Pierre Door a présenté mardi les conclusions de sa mission parlementaire sur le Levothyrox. Il appelle à rénover le dispositif d’information destiné aux patients.
Scandale sanitaire ou communication défaillante ? Dans le cas de la crise engendrée par l'arrivée du Levothyrox nouvelle formule, le député Jean-Pierre Door penche plutôt pour la seconde réponse. "C'est surtout l'information qui a péché", juge l’élu LR du Loiret, qui a présenté mardi les conclusions d'une mission parlementaire "flash" sur ce traitement contre les problèmes de thyroïde. Il appelle à "rénover" le dispositif d'information, afin de pouvoir s'adresser directement aux patients concernés par des changements touchant leur médicament.
Cette mission rapide, comme l’indique son nom, a notamment permis l'audition d'experts, d'associations de patients, du laboratoire allemand Merck allemand et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). "Il ne s'agit pas d'une crise sanitaire comme pour le Mediator, mais d'une crise médiatique autour de la nouvelle formule du Levothyrox" commercialisée à la fin mars, jugeait mardi Jean-Pierre Door, qui est également cardiologue.
A lire aussi : Levothyrox : vos questions, nos réponses
L'enquête de pharmacovigilance de l'ANSM rendue publique le 11 octobre "ne montre aucun effet indésirable nouveau qui serait spécifique à la nouvelle formule", note-t-il. Les troubles résulteraient de problèmes d'adaptation du dosage avec la nouvelle formule, plus stable pendant toute sa durée de conservation - trois ans.
Les signaux d’alerte n’ont pas été bien pris en compte
Mais les autorités sanitaires n'ont pas anticipé la crise de la mise sur le marché de la nouvelle formule du Levothyrox et sans doute pas envisagé qu'un grand nombre de patients souffrirait d'effets indésirables, selon la mission. Cette crise résulte en partie du fait que les signaux d'alerte, en particulier ceux dits "faibles", n'ont pas été bien pris en compte, car les effets indésirables rapportés étaient ceux habituellement associés à ce type de pathologie.
"Les médias se sont emparés de l'affaire après une recrudescence de signalements sur les réseaux sociaux et sur les forums en ligne; c'est à ce moment-là seulement que les autorités sanitaires ont commencé à prendre au sérieux les signalements". L'ANSM a recensé, entre mars et septembre, 14.633 signalements, dont 5.062 cas considérés comme graves par les personnes concernées.
L'agence sanitaire aurait dû activer un dispositif spécifique de pharmacovigilance dès l'introduction de la nouvelle formule du Levothyrox, compte tenu de l'importance du public concerné (3 millions de patients, à 85% des femmes), selon la mission, qui plaide pour que la pharmacovigilance et les professionnels s'adaptent aux nouveaux modes de communication (internet, réseaux sociaux). En raison du tour judiciaire pris par cette crise - des plaintes ont été déposées au civil et au pénal - une commission d'enquête parlementaire, réclamée par certains, n'est pas possible, explique M.Door.
Explosion des prescriptions
Le Parlement devrait en revanche étudier le moyen de permettre aux agences médicales d'envoyer une information ciblée à des patients identifiés, avec l'aide de l'Assurance maladie, comme cela été fait pour la crise sanitaire du Mediator.
L’ANSM soulignait n'avoir pas pu le faire pour le nouveau Levothyrox. Les 400.000 courriers qu'elle a adressés aux professionnels de santé sur le changement de formule, "présenté comme anodin", n'ont eux guère attiré leur attention au milieu de la masse des courriers reçus.
Une autre piste a également été avancée par les associations de patients : insérer une notice spécifique dans la boîte pour sensibiliser les malades et suggérer que certains pourraient devoir adapter la dose. Cela a par exemple été fait en Belgique, en 2007, lors d'une modification d'un médicament à base de lévothyroxine semblable au Lévothyrox.
L'explosion des ventes de Levothyrox - passées de 5 millions de boîtes à 30 millions entre 1990 et 2016, conduit à s'interroger sur la pertinence de certaines prescriptions, conclut la mission. Elle évoque ainsi des opérations (pour des goitres) et des traitements (chez des plus de 60 ans sans symptômes) évitables.
Avec AFP