Coronavirus : les animaux sauvages en cause ?

Fin février, les autorités chinoises ont pris la décision d'interdire totalement le commerce et la consommation d'animaux sauvages. On soupçonne ces animaux d’être à l’origine de l’épidémie. Pourquoi ? Les réponses de Farah Kesri, vétérinaire.

Farah Kesri
Rédigé le

Les animaux sauvages seraient le réservoir à partir duquel le coronavirus se serait diffusé. Les Chinois consomment beaucoup d’animaux sauvages et l’abattage d’animaux peut se faire sur le marché directement devant l’acheteur. Il y a un risque sanitaire lié au manque d’hygiène et au non-respect de la chaine d’abattage. Normalement, on sépare les animaux vivants des animaux morts, les voies d’écoulement du sang, l’éviscération, les abats la carcasse avec la viande. Tout doit se faire selon un ordre précis suivant un circuit pour éviter le risque de contamination.

À cela s’ajoute un autre risque, celui qui est lié au fait que ce soit des animaux sauvages qui hébergent des agents pathogènes inconnus. Le résultat donne un cocktail qui circule et dont la dangerosité est imprévisible...  

Comment un virus animal peut-il passer chez l’homme ?

Il existe des maladies communes, transmissibles de l’animal à l’homme, c’est ce que l’on appelle les zoonoses.
Les agents passent soit par morsure, griffure ou par ingestion d’aliment d’origine animale (la rage, la listériose). Heureusement dans la grande majorité des cas, un agent pathogène est spécifique à une espèce ou à un groupe d’espèce dit sensible (ex la tuberculose...) et si par exemple un virus parvient à rendre malade une vache et non un homme, c’est parce qu'il n’est pas équipé pour se fixer sur les cellules humaines, c’est ce qu’on appelle la "barrière d’espèce". Un virus évolue, il a un cycle de vie. Soit le virus mute et perd ses pouvoirs, soit au contraire il en acquiert de nouveaux et devient plus virulent même pour de nouvelles espèces, c’est ce qu'on appelle les maladies émergentes.

De 1940 à 2004, 84 virus ont réussi à passer de l’animal à l’homme. 75% des nouvelles maladies qui ont affecté l’Homme ces dix dernières années ont été provoquées par des pathogènes d’origine animale ou des produits d’origine animale. Avec la mondialisation, la transmission a des répercussions plus importantes et plus graves.  

Pourquoi parle-t-on du pangolin ? 

Parmi les animaux "incriminés", on a entendu parler successivement du serpent, de la chauve-souris et dernièrement du pangolin. Le pangolin est un petit mammifère à écailles, c’est un fourmilier. En Chine, sa viande est consommée en ragoût et ses écailles sont utilisées soit en bouillon soit sous forme de poudre de kératine pour la médecine traditionnelle chinoise. Selon les croyances ancestrales, le pangolin aurait des vertus thérapeutiques : il favoriserait à la fois la libido des hommes et les montées de lait des jeunes mamans. Bien sûr, il n’y a aucune preuve scientifique de tout cela.  

On l’a soupçonné d’être à l’origine de l’épidémie sur la base d’études génétiques des virus. La semaine dernière, cette hypothèse a été abandonnée. L’enquête continue et c’est très important parce que connaître l'animal qui a transmis le virus à l'homme permet de mieux comprendre ce virus pour le combattre mais aussi pour l'empêcher de réapparaître, une fois que l'épidémie sera jugulée. Comme pour tout danger sanitaire, l’enquête épidémiologique recherche la source naturelle du virus, l’espèce hôte, celle qui a la version originale du virus. Pour le covid-19, on pense que c’est la chauve-souris. 

Reste donc à trouver, l’espèce intermédiaire, celle dont l’organisme a permis au virus d'acquérir de nouveaux pouvoirs. C'est ce qui avait été fait lors de l’épidémie de SRAS, à ce moment-là il avait été découvert que c’était la civette et pour la grippe aviaire (H5N1) c’était les oiseaux sauvages aquatiques. 

Un interdiction "complète" du commerce et de la consommation d'animaux sauvages 

L’humanité a malheureusement la mémoire courte. La Chine avait déjà signé en 2016 la Convention pour interdire le commerce international des animaux sauvages, mais l’application n’a pas vraiment suivi. Il faut espérer que le pangolin, même s'il n'est plus accusé, va avoir un peu de répit puisque c’est le mammifère le plus braconné au monde.

Il en existe 8 espèces : le pangolin de Chine (en danger critique d’extinction), le pangolin des Philippines, le pangolin malais, le grand pangolin de l’Inde (en danger) et en Afrique, il y a le pangolin de Temminck (vulnérable) et le pangolin commun (en danger), le pangolin géant et le pangolin à longue queue (vulnérables). Ils ont tous soit le statut "en danger critique d’extinction" ou "en danger". Cet animal a pour seule protection ses écailles, il se roule en boule.


C’est peut-être efficace contre certains prédateurs mais pas contre les contrebandiers qui peuvent facilement l’attraper. Vu la demande de plus en plus forte, son commerce, bien qu'illégal, se développe aussi bien en Afrique qu’en Asie. 

On parle d’un million de pangolins capturés ces dernières années et entre 2016 et 2019 plus de 200 tonnes d’écailles de contrebandes ont été saisies. Un trafic estimé à plus de 15 milliards de dollars par an au niveau mondial selon WWF. Ce sont des contacts animaux sauvages-hommes qui sont à l'origine de ces transmissions, donc la meilleure mesure préventive serait juste de laisser les animaux sauvages là où ils sont.    

Espérons que l’impact sur la santé humaine et l’économie mondiale finisse par faire changer ces pratiques ....