Coronavirus : l’Inserm inclut la chloroquine dans son essai clinique
L’essai clinique Discovery coordonné par l’Inserm porte sur quatre traitements expérimentaux, dont l’hydroxy-chloroquine. Ce dernier médicament, défendu par le Pr Raoult, fait l’objet de polémiques scientifiques et politiques.
Discovery. C’est le nom donné à l’essai clinique européen contre le coronavirus et que l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) lance le 22 mars 2020. Cet essai inclura au moins 800 patients français atteints de formes sévères du Covid-19 parmi 3.200 patients européens en Belgique, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Espagne.
Son objectif : évaluer l’efficacité et la sécurité de quatre traitements expérimentaux qui pourraient avoir un effet contre le Covid-19 "au regard des données scientifiques actuelles" précise l’Inserm dans un communiqué.
Au total, cinq types de soins sont testés :
- Des soins standards (oxygène, ventilation…);
- Des soins standards et l’antiviral remdesivir;
- Des soins standards plus du lopinavir et du ritonavir (antiviral Kaletra);
- Des soins standards plus du lopinavir, du ritonavir et de l’interféron beta;
- Des soins standards plus de l’hydroxy-chloroquine, un médicament contre le paludisme.
Le choix du traitement sera attribué de façon aléatoire mais les patients et les médecins sauront quel traitement est utilisé.
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Des premiers résultats dans 15 jours
"La grande force de cet essai est son caractère « adaptatif »" précise l’Inserm. "Cela signifie que très rapidement, les traitements expérimentaux inefficaces pourront être abandonnés et remplacés par d’autres molécules qui émergeront de la recherche" ajoute l’institut. Et ce en un temps "limité" puisque les premières évaluations devraient émerger dans les 15 jours qui suivent l’inclusion de chaque patient.
"Nous pourrons donc réagir en temps réel, en cohérence avec les données scientifiques les plus récentes, afin de mettre en évidence le meilleur traitement pour nos malades", explique la spécialiste qui pilote cet essai, Florence Ader, infectiologue au CHU de Lyon et chercheuse au Centre international de recherche en infectiologie CIRI (Inserm/CNRS /Université Claude Bernard Lyon 1).
Pour le moment, cinq hôpitaux français participent à l’étude : Paris (hôpital Bichat), Lille, Nantes, Strasbourg et Lyon. Dans un deuxième temps, l’Inserm prévoit d’ouvrir d’autres centres "pour arriver au moins à une vingtaine d’établissements participants".
Une première étude au protocole faible
Une des molécules incluses dans cet essai clinique fait polémique : il s’agit de l’hydroxy-chloroquine, un analogue de la chloroquine, qui n’était d’ailleurs initialement pas prévue dans le protocole de cet essai.
Mais à Marseille, le professeur Didier Raoult, directeur de l'IHU Méditerranée Infection défend l'usage de l’hydroxy-chloroquine contre la maladie. Il a publié la semaine dernière les résultats de sa première étude, de faible ampleur, menée sur seulement 24 patients. Si les spécialistes ont été nombreux à émettre des réserves et à signaler que le protocole de cet essai ne remplissait pas les critères nécessaires à l’établissement d’une étude scientifique solide, le gouvernement de son côté a estimé que les premiers résultats étaient "prometteurs".
Christian Estrosi et Valérie Boyer sous chloroquine
Plusieurs élus, notamment de droite, ont également fait monter la pression le 22 mars pour généraliser rapidement l'utilisation de l’hydroxy-chloroquine pour traiter le coronavirus. "La chloroquine, pourquoi ne l'utilise-t-on pas ?", s'est ainsi interrogé sur France Inter le patron des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau. "Peut-être faut-il simplement le prescrire en milieu hospitalier (...) De toutes façons qu'est-ce qu'on risque ? Les gens meurent", a-t-il insisté.
Le maire de Nice, Christian Estrosi (LR), lui-même contaminé par le coronavirus et sous chloroquine, a aussi confié à radio J qu'il avait "envie qu'on fasse confiance" à Didier Raoult. "L'hôpital de Nice aujourd'hui a été approvisionné avec Sanofi (ndlr: en chloroquine). (…) A partir du moment où le médecin hospitalier se tourne vers les familles en demandant si elles sont d'accord, eh bien tant mieux", a souligné Christian Estrosi qui, au sixième jour de son traitement, a indiqué le 23 mars à BFMTV avoir "le sentiment d’être guéri".
La députée LR des Bouches-du-Rhône Valérie Boyer, également infectée, a elle aussi "accepté de suivre le traitement expérimental du professeur Didier Raoult à Marseille à base de chloroquine" a-t-elle expliqué à BFMTV. "Nous n'avons pas affaire à un charlatan mais un homme de science", a-t-elle plaidé au sujet du médecin.
"Fausses bonnes nouvelles", "déceptions" et "prises de risques"
Samedi 21 mars, le ministre de la Santé Olivier Véran a indiqué avoir demandé à ce que l'étude du professeur Raoult "puisse être reproduite à plus large échelle dans d'autres centres hospitaliers, par d'autres équipes indépendantes". "L'histoire de maladies virales est peuplée de fausses bonnes nouvelles, peuplée de déceptions, de prises de risques inconsidérées aussi", a-t-il néanmoins averti.
Pas d’automédication
En attendant les premiers résultats de ces tests et de l’essai Discovery, ne pratiquez surtout pas d’automédication car comme tout médicament, les molécules testées présentent un risque d’effet secondaire. L’hydro-chloroquine en particulier, possède plusieurs contre-indications et un risque d’effets secondaires sévères.
Elle présente notamment un risque d’intoxication aiguë en cas de surdosage et un risque de survenue de troubles cardiovasculaires. Elle est par ailleurs déconseillée aux femmes enceintes mais aussi aux adultes – hommes et femmes – en âge de procréer et qui ont un projet de grossesse, en raison d’un risque de génotoxicité.
Pour le moment, seules les mesures barrières ont une efficacité prouvée contre les virus : toussez dans votre coude, lavez-vous les mains au savon et à l’eau ou au gel hydro-alcoolique et, surtout, restez chez vous.