Coronavirus : quels sont les essais cliniques actuellement en cours ?
Vingt projets de recherche et un essai clinique européen sont lancés. Actuellement, déjà quelques déceptions mais aussi des résultats encourageants avec certaines molécules.
S’unir pour mieux combattre. C’est aujourd’hui la stratégie adoptée par les médecins, les scientifiques, les laboratoires et les chercheurs pour endiguer au mieux la pandémie de coronavirus Covid-19.
Le 18 mars, l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP) annonçait créer un comité de pilotage "Recherche Covid-19 AP-HP" présidée par le professeur Yazdan Yazdanpanah, infectiologue à l'hôpital Bichat AP-HP et chercheur à l'Inserm, et le professeur Philippe-Gabriel Steg, chef du service de cardiologie à l'hôpital Bichat AP-HP.
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"Soigner, faire circuler l’information et chercher"
En liaison avec l’Inserm et les Universités, ce comité a pour objectif de faciliter les échanges, les collaborations et les recherches de manière à relever au mieux "le défi pour la santé publique et l’organisation des soins, mais aussi pour la recherche" que pose le nouveau virus. L’objectif : parvenir en même temps à "soigner, faire circuler l’information et chercher" en mobilisant toutes les énergies "dans un esprit collectif".
Concrètement, cela passe notamment par des échanges d’informations et de ressources pour "éviter les doublons", "fédérer les disciplines" ou encore "allouer des moyens".
Essai clinique européen
En pratique, à l'AP-HP, "une dizaine de projets de recherche ont été lancés ou sont en attente de financement" révèle-t-elle dans un communiqué. L'AP-HP rappelle travailler aussi étroitement avec le consortium REACTing, dirigé également par le Pr Yazdanpanah. Ce consortium est à l’origine du lancement de 20 projets de recherche et d’un essai clinique européen portant sur les traitements de la maladie.
Dans cet essai, quatre types de traitement sont testés : les soins habituels seuls (oxygène, ventilation…), le remdesivir (un médicament antiviral injectable), le Kaletra (un antiviral efficace contre le VIH), et une association entre le Kaletra et un anti-inflammatoire. Cet essai concerne 3.200 malades en Europe, dont 800 en France, tous atteints de forme sévère de Covid-19 et hospitalisés.
Le traitement Kaletra déçoit
Pour le Kaletra, un médicament qui associe du lopinavir et du ritonavir, une étude chinoise publiée le 18 mars 2020 dans le New England Journal of Medicine (NEJM) donne des premiers résultats médiocres. Les médecins du Jin Yin-Tan Hôpital de Wuhan ont administré à 199 patients atteints du Covid-19 soit des soins habituels seuls (oxygène, ventilation…) soit ces soins plus du Kaletra, deux fois par jour pendant 14 jours. Résultat : le médicament ne semble pas changer le pronostic des malades et "aucun bénéfice" n’est observé par rapport aux soins standards seuls.
L’espoir du remdesivir
Davantage d’espoirs reposent sur le remdesivir, du laboratoire Gilead. Cet antiviral a été développé contre d'autres virus comme Ebola (sans être efficace) mais n'a encore été approuvé nulle part. Il a pourtant été prometteur dans le traitement de patients atteints du coronavirus en Chine, et a été utilisé pour aider à soigner deux patients aux Etats-Unis et en France. "Il n'y a pour l'instant qu'un seul médicament dont nous pensons qu'il pourrait avoir une réelle efficacité. Et c'est le remdesivir", avait d’ailleurs indiqué lors d'une conférence de presse le 16 mars Bruce Aylward, un des responsables de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Des résultats "prometteurs" pour la chloroquine
En dehors de cet essai clinique auquel participent les équipes de l'AP-HP, d’autres molécules sont actuellement testées. C’est le cas de l’hydroxychloroquine, plus connu sous le nom de chloroquine, un médicament contre le paludisme qui aurait aussi une action antivirale. Elle a été expérimentée sur 24 patients à Marseille et montre des résultats "prometteurs" selon la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye. Même si cet essai ne fait pas encore l’objet d’une publication validée par des pairs et publiée dans une revue scientifique, il devrait bientôt être étendu à un plus grand nombre de patients.
Et, sans attendre cet essai, le laboratoire français Sanofi s'est déjà dit prêt à offrir aux autorités françaises des millions de doses de Plaquenil, son anti-paludique à base d’hydroxychloroquine, pour traiter potentiellement 300.000 malades. L’usage de l’hydroxychloroquine ne se limite aujourd’hui plus à l’IHU Méditerranée Infection de Marseille où exerce le Pr Didier Raoult, initiateur de l’essai clinique.
La chloroquine "à titre compassionnel"
Ainsi, l’infectiologue Alexandre Bleibtreu interrogé sur RTL le 19 mars révélait que le traitement était aussi testé "à titre compassionnel" à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où il travaille. "On pense que le rapport bénéfice-risque de ce médicament est suffisamment intéressant pour le proposer aux malades, étant donné qu’on n’a pas non plus beaucoup de choix et que les autres traitements n’ont pas encore donné de preuve d’efficacité" déplorait le docteur Bleibtreu.
Mais pour le moment, soigner le coronavirus avec de l’hydroxychloroquine reste un pari : "nous n’avons pas la preuve de son efficacité sur la survie, la mortalité et sur la guérison clinique" expliquait-il au micro de RTL. Outre le manque de résultats et de recul sur l’hydroxychloroquine, un problème majeur demeure : le risque d’effets indésirables graves que ce traitement présente, notamment en cas de surdosage.
Le Kevzara pour réduire l’inflammation des poumons
Un autre traitement qui ne prétend pas agir contre le virus lui-même mais contre un symptôme de la maladie est aussi à l’étude : le Kevzara. Initialement destiné à traiter les inflammations de l’arthrite, il pourrait aussi lutter contre l'inflammation des poumons caractéristique des formes sévères du Covid-19.
Pas de vaccin pour le moment
Quant au vaccin, plusieurs laboratoires à travers le monde - ModernaObjectif, Regeneron, Sanofi, Inovio Pharmaceuticals ou encore CureVac - y travaillent. Mais l’élaborer, tester son innocuité puis son efficacité prend beaucoup de temps. Un vaccin contre le Covid-19 ne sera donc sans doute pas disponible avant plusieurs mois, voire plus d’un an. D’autant qu’aucun vaccin contre un virus de la famille des coronavirus n’a pour le moment été créé dans le monde.