" En Seine-saint-Denis, il n'y a plus aucun lit de réanimation "
Emmanuel Macron a annoncé le 25 mars une prime pour les soignants et un plan d’investissement pour l’hôpital à la fin de la crise du Covid-19. Mais cela n’a pas convaincu Christophe Prudhomme de l'Association des Médecins Urgentistes de France.
Le 25 mars dernier, après sa visite de l’hôpital militaire installé à Mulhouse, Emmanuel Macron a tenu à remercier le dévouement des personnels soignants dans la crise du coronavirus. Le Président de la République en a profité pour annoncer une série de mesures pour l’hôpital.
Le chef de l’Etat a promis une prime exceptionnelle aux soignants et surtout, un plan d’investissement « massif » pour l’hôpital. Mais pour Christophe Prudhomme, porte-parole de l’association des médecins urgentistes de France ces déclarations ne sont pas à la hauteur de la situation.
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Des annonces « pas à la hauteur des revendications »
« Le président est resté très flou », explique le médecin urgentiste. "Il n’est absolument pas à la hauteur des revendications que nous posons depuis un an, nous ne demandons pas des primes exceptionnelles et le paiement des heures supplémentaires. Le paiement des heures supplémentaires c’est bien normal ! »
« Ce que nous demandons aujourd’hui c’est un plan d’urgence sur l’hôpital qui comprend la création massive d’emplois pour l’hôpital et pour les Ehpad » poursuit-il. « Nous demandons des lits et l’arrêt de la fermeture des services des hôpitaux. Dans mon département, un hôpital était en cours de fermeture. Il a fallu qu’on rouvre cette réanimation en urgence ! »
« Une grosse déception »
« On a des besoins. On ne demande pas des primes, on demande des augmentations de salaire pérennes », martèle le Dr Prudhomme. « De plus, sans chiffrage, ce ne sont que des promesses. Nous avons, avec l’ensemble de l’intersyndicale et des collectifs, chiffré ce dont nous avions besoin. Pour 2020, c’est 4 milliards d’euros, soit 5% supplémentaires. »
Christophe Prudhomme demande au Président plus de clarté. « Quand je prescris un médicament à un malade, je prescris une dose avec des chiffres très précis, et c’est comme ça qu’on soigne les malades. L’hôpital est très malade, donc il faut une bonne prescription avec un bon chiffrage. »
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Le président a-t-il manqué de courage face à la crise sanitaire ?
« L’analyse que j’ai de la gestion de la crise, c’est qu’on ne gère pas la crise selon des critères de santé publique, on gère une pénurie de moyens », regrette le médecin urgentiste. Si en France on avait le même nombre de lits de réanimation rapportés à la population qu’en Allemagne, on ne serait pas dans la situation de tension qu’on connaît aujourd’hui. »
Le praticien pointe la situation encore plus compliquée des zones défavorisées : « En Seine-Saint-Denis, ce matin, nous sommes le seul département d’Ile-de-France, à n’avoir aucun lit de réanimation disponible ! C’est bien qu’il manque des hôpitaux, des lits de réanimation, en particulier dans les zones défavorisées. »
Le porte-parole parle de zones défavorisées par les services publics hopsitaliers. « L’hôpital de Mulhouse est celui qui souffre le plus et ce n’est pas anodin ! Il y a quelques semaines, mes collègues avaient démissionné massivement du service d’urgences, parce qu’ils considéraient qu’ils n’avaient pas les moyens d’assurer la sécurité des patients. »
« Ça craque de partout »
« En Allemagne, il y a deux fois plus de lits de réanimation rapportés à la population qu’en France », dénonce Christophe Prudhomme. « A force de nous vendre le tout ambulatoire, le fonctionnement à flux tendu de l’hôpital, dès qu’on a une augmentation d’activité, on a besoin de beaucoup plus de lits de réanimation. » Le médecin rappelle que l’épidémie aurait pu être beaucoup plus grave.
« Depuis quinze ans, je dis que nous manquons de lits de réanimation régulièrement. Nous sommes obligés de jongler en permanence ! Avant même la crise, on a été obligés de transférer des nouveaux nés en dehors de l’Ile-de-France parce que nous n’avions pas assez de lits », rappelle le médecin. « Quand on est déjà à flux tendus en permanence, dès qu’il y a une crise, et bien ça craque de partout. »
« Là on utilise l’armée, des TGV, des avions de transport, mais si dans les semaines qui viennent les choses s’aggravent, quels sont les autres moyens disponibles ? Nous sommes déjà au maximum de ce qu’on peut faire alors qu’on est face à une épidémie qui pour l’instant n’est pas forcément à son maximum. Je suis très inquiet pour l’avenir. »