Ebola mute et freine la recherche
Les traitements testés aujourd'hui contre le virus Ebola ont été mis au point il y a 15 ans, à partir de souches du virus de 1976 et 1995... Depuis le virus a muté, rendant obsolètes, voire inefficaces, la plupart de ces thérapies prometteuses, selon une équipe de chercheurs de l'Armée américaine.
La plupart des traitements prometteurs développés contre le virus Ebola ciblent une partie de la séquence génétique ou une protéine dérivée de cette séquence dans le génome du virus. Si une modification de ces gènes se produit, à la suite d'une mutation génétique, évolution naturelle du virus dans le temps, les traitements pourraient alors devenir inefficaces. Et c'est malheureusement le cas, selon des chercheurs américains du centre de science génomique à l'Institut de recherche médicale sur les maladies infectieuses de l'Armée américaine.
En comparant le génome complet de la souche responsable de l'épidémie actuelle (appelée EBOV/Mak) avec celle à l'origine de la flambée au Zaïre en 1976 et celle qui a provoqué la seconde épidémie dans ce pays en 1995, ces scientifiques ont détecté des mutations dans environ 3% du génome. "Notre recherche met en lumière les changements dans le génome qui pourraient affecter ces thérapies géniques mises au point au début des années 2000 à partir de souches d'Ebola responsables des épidémies en 1976 et 1995", a précisé Gustavo Palacios, auteur de l'étude.
Des traitements incompatibles avec la souche actuelle
Dix mutations observées pourraient interférer avec certains traitements actuellement à l'essai. Deux types de traitements sont concernés : la thérapie immunitaire et la thérapie génique (voir encadré). Concernant la thérapie immunitaire, les anticorps avait été élaborés il y a 15 ans, et sur la base du virus de 1995… Pour les traitements génétiques, qui freinent la réplication du virus, ils ont été créés à partir d'information sur le virus de 1976, différents donc du virus actuel.
Comme l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a adopté des mesures d'urgence pour tenter de contenir l'épidémie actuelle concentrée dans trois pays (Guinée, Sierra Leone et Liberia), un petit nombre de malades a déjà été traité avec ces thérapies expérimentales. Un essai clinique avec l'un des ces traitements doit débuter en Sierra Leone dans les prochains mois.
Ebola mute sans cesse
"Non seulement le virus Ebola a muté depuis la découverte de ces thérapies mais continue de changer", souligne le Capitaine Jeffrey Kugelman, l'un des auteurs de cette découverte. Selon lui, trois de ces mutations sont apparues pendant la flambée actuelle.
Les freins pour le développement de nouvelles thérapies sont donc nombreux, mais les auteurs modèrent tout de même leurs résultats. "Notre observation n'est pas sans réserve (…) Cette analyse est limitée aux zones de liaisons pour des traitements précis. Des mutations dans ces régions pourraient être bien tolérés (par d'autres traitements ndlr)" conclut l'étude.
L'épidémie d'Ebola, qui a commencé au début 2014, a fait 8.600 morts sur 22.000 cas recensés, selon un bilan de l'OMS du 17 janvier 2015.
Source : Evaluation of the Potential Impact of Ebola Virus Genomic Drift on the Efficacy of Sequence-Based Candidate Therapeutics, J. Kugelman. mBio, janvier 2015. doi: 10.1128/mBio.02227-14
En savoir plus sur le virus Ebola :
Les thérapies immunitaires permettent de neutraliser le virus, grâce à des agents de défense du système immunitaire : les anticorps. Ces anticorps sont cultivés spécifiquement pour interagir avec un virus donné.
Les thérapies géniques permettent de désactivé le virus, en l'empêchant par exemple de se répliquer à l'intérieur du corps. Pour cela, des "outils" génétiques coupent des fragments de l'ADN du virus, le rendant inactif.