Les parasites du paludisme mutent et résistent en Asie
De plus en plus de parasites du paludisme sont devenus capables de résister aux traitements en Asie du Sud-Est, selon une étude birmane. Ces parasites, localisés aux portes de l'Inde, font craindre une propagation mondiale de la résistance, entraînant une baisse d'efficacité des antipaludéens...
L'histoire commence il y a 50 ans. Des parasites responsables du paludisme sont devenus résistants au médicament de l'époque : la chloroquine, entraînant dans la foulée de nombreux échecs de traitements et des millions de morts en Afrique. Depuis, d'autres médicaments ont été développés, mais ce scénario pourrait bien être en passe de se reproduire. Cette fois-ci, c'est une des substances à la base de nombreux traitements qui est pointée du doigt : l'artémisinine. Selon une étude, menée sur le sol birman, les parasites responsables de la malaria (le Plasmodium falciparum) mutent pour s'adapter à cette substance. Ils acquièrent ainsi de nouvelles fonctions leur permettant de résister à l'artémisinine et la rendant beaucoup moins efficace.
Un gène, sur l'ADN du parasite, est identifié comme le marqueur génétique de la résistance à l'artémisinine : le gène K13. C'est sur celui-ci que s'est penchée l'équipe birmane de la Myanmar Oxford Clinical Research, qui publie ses résultats le 19 février dans The Lancet Infectious Diseases. Ils ont analysé 940 échantillons de sang provenant de personnes contaminées par le paludisme en Birmanie, pays d'Asie du Sud-Est le plus touché par cette maladie. Leur objectif : localiser et déterminer la vitesse de propagation de ces résistances.
Anticiper la propagation des résistances
Les résultats sont alarmants, selon les chercheurs. Près de 40% du sang collecté est porteur de la mutation K13. Ce taux grimpe même à 50% dans une grande partie des régions birmanes. Et les chercheurs s'inquiètent d'autant plus de voir que ces mutations s'approchent dangereusement de la frontière indienne, risquant de s'étendre dans le reste du continent. "La Birmanie est en première ligne dans la guerre contre la résistance à l'artémisinine car elle est un point de passage pour la propagation de la résistance dans le reste du monde", souligne le Dr Charles Woodrow, l'un des auteurs de l'étude. La résistance à ce médicament est "clairement" associée à l'échec des traitements au Cambodge il y a une dizaine d'années. En 2010 déjà, l'OMS avait mis en garde contre les résistances accrues à l'artémisinine, allant même jusqu'à recommander son retrait du marché dans les zones endémiques.
Alors qu'ils craignent que ce scénario se répète en Birmanie, les chercheurs estiment cette fois-ci avoir un coup d'avance sur la propagation des parasites résistants. "Avec l'artémisinine, nous sommes dans un cas de figure inhabituel car nous avons observé des marqueurs moléculaires de la résistance avant même que cette résistance se soit propagée à l'échelle mondiale", explique Charles Woodrow. "Plus nous comprenons la situation actuelle dans les régions frontalières, mieux nous sommes préparés pour nous adapter et pour mettre en œuvre des stratégies pour venir à bout de la propagation". En prélevant rapidement les échantillons de sang, les chercheurs ont été capables d'obtenir des données "en temps réel". Ils ont ainsi pu développer une cartographie prédictive de cette évolution, qui, ils l'espèrent, empêchera les parasites d'envahir l'Asie.
Source : Spread of artemisinin-resistant Plasmodium falciparum in Myanmar: a cross-sectional survey of the K13 molecular marker. C. Woodrow et al. The Lancet Infectious Diseases, fevrier 2015. DOI : 10.1016/S1473-3099(15)70032-0
En savoir plus sur le paludisme :
Le paludisme : un fléau mondial
Le paludisme, ou malaria, est la maladie infectieuse tropicale la plus répandue dans le monde. En 2010, cette infection parasitaire portée par le moustique a tué environ 650 000 personnes selon les estimations de l'Organisation Mondiale de la Santé. 84 % des décès surviennent en Afrique où chaque minute un enfant meurt du paludisme.