Jeune et séropositif : "J’ai fait plusieurs tentatives de suicide"
40 ans après les premiers cas de sida et malgré d’incroyables avancées médicales, le VIH n’a toujours pas disparu. À quoi ressemble la vie de jeunes séropositifs aujourd’hui en France, en 2020 ? Témoignages.
Patricia a 21 ans et est née séropositive. Sa mère est décédée du VIH quand elle avait 5 ans et même si toute sa famille sait qu’elle est porteuse du virus, la maladie est un sujet tabou.
" Au fur et à mesure, en grandissant, j’avais juste besoin d’avoir des réponses. Par rapport à comment je l’ai eu, pourquoi…Par exemple, j’ai un grand frère, il l’a pas, une sœur, elle aussi l’a pas. Pourquoi moi ? Pourquoi pas les autres ? Et c’était ça qui me préoccupait."
Une association pour accompagner les jeunes séropositifs
C'est dans les locaux de "Dessine-moi un mouton", une association qui accompagne les jeunes séropositifs et les aide à se construire au-delà de la maladie, qu'elle a pu trouver des réponses à ses questions. Faut-il révéler sa séropositivité ? Comment l’annoncer ? Une sexualité épanouie est-elle possible ?
Dans le groupe de parole de l'association, les jeunes séropositifs peuvent tout aborder. Parfois leurs joies, souvent leurs peines. " Mon père m’a rejeté. Il voulait que je rentre en Afrique. J’ai fait plusieurs tentatives de suicide. La dernière, je me suis retrouvée dans le coma pendant trois jours.» explique une jeune fille.
Difficultés à l'adolescence
"Dessine-moi un mouton" leur permet de quitter le domaine hospitalier, la maladie et les traitements. " Ils le disent très bien, quand je viens ici, « je veux juste pouvoir discuter librement avec d’autres personnes qui me comprennent.»" explique Amine, infirmier. " Et ils ont ce besoin de se dire « je ne suis pas un patient, je suis juste une personne avec cette pathologie et comment je peux vivre avec cette pathologie -à ? »"
A l’adolescence plus que jamais, la différence est au centre de toutes les préoccupations. Pour ces jeunes, elle prend beaucoup de place. Alors tous les moyens sont bons pour l’oublier. " Il y a toujours un moment où l’adolescent va arrêter de prendre son traitement en disant « qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce que ce qu’on me dit sur la maladie est vrai ? Et puis jouer sur cette question de risque ? Peut-être que je ne suis pas contagieux. Peut-être que si.»" explique Sophia, la psychologue.
" « Est-ce qu’il y a un danger, est-ce que ce qu’on me dit autour de la maladie est vrai ou pas et c’est souvent sa manière à lui de s’approprier cette maladie qui jusqu’alors était contrôlée par les parents.»"
" Je croyais pas qu’avec cette maladie, on puisse faire un enfant séronégatif "
Avec la maladie, le lien mère enfant est parfois abîmé. L’association est aussi là pour le restaurer. Elodie était enceinte de 3 mois quand elle a découvert qu’elle était séropositive. A l’époque les médecins l’ont rassurée : grâce aux traitements, sa charge virale sera indétectable et son enfant en bonne santé.
" Je croyais pas qu’avec cette maladie, on puisse faire un enfant séronégatif, qui est bien portant. Moi je croyais pas. Le jour du résultat, c’est un jour qu’on ne peut jamais oublier. Ah ouais, j’ai oublié ma maladie en même temps."
Oublier la maladie, c’est la promesse faites à ceux et celles qui franchissent cette porte. Convaincre malgré le virus, qu’il est possible d’être mère, d’avoir une vie professionnelle, une vie sentimentale. Une vie, tout court.