Dépression : où en est la piste inflammatoire ?
Le 7éme prix Marcel Dassault pour la recherche sur les maladies mentales a été attribué le 4 décembre au Dr Lucile Capuron, pour financer une étude qui vise à approfondir le lien entre inflammation et dépression.
En France, une personne sur cinq souffre de dépression. L'incidence de la maladie dans le monde est de 16%. Dans 30% des cas, la dépression est résistante aux médicaments.
Selon Lucile Capuron, directrice de l'équipe Nutrition et psycho-neuroimmunologie à Bordeaux et lauréate du prix Marcel Dassault 2018, derrière ce qui semble être une seule pathologie, se cachent différents types de dépression.
Depuis ces dernières années, plusieurs études ont démontré un lien entre inflammation et dépression.
L'inflammation participe-t-elle à l'apparition de la dépression ?
L'inflammation est la réaction du système immunitaire aux attaques externes. En cas d'infection, par exemple, les cellules du système immunitaire sont activées en produisant des molécules inflammatoires.
Les travaux de l'équipe de Lucile Capuron et d'autres laboratoires ont démontré à travers une série d'études que l'inflammation participe à l'apparition de la dépression.
Une étude publiée en 2015 a montré que, dans le cerveau des patients dépressifs, le système immunitaire était plus actif que le cerveau des personnes non dépressives.
A lire aussi: Dépression: la piste inflammatoire
Les traumatismes psychologiques peuvent déclencher une réaction inflammatoire et, selon différentes recherches, des personnes non seulement atteintes de dépression mais également de schizophrénie et de troubles anxieux présentent dans le sang une quantité importante de molécules inflammatoires.
De plus, chez les patients déprimés, l'inflammation est associée à une réponse réduite aux antidépresseurs. Il pourrait donc s'agir d'une cause de pharmaco résistance observée dans un tiers des cas.
Il semble clair que l'inflammation a une influence sur le cerveau … mais comment?
Les molécules d'inflammation ont un effet sur le système nerveux
Une hypothèse est que les molécules produites lors de l'inflammation par le système immunitaire, les cytokines, ont un effet sur la production de neurotransmetteurs, les molécules qui permettent la communication entre neurones.
La sérotonine est un neurotransmetteur qui régule l'humeur, souvent appelé “hormone du bonheur”. La dopamine, en revanche, est un neurotransmetteur impliqué dans la motivation, elle permet le fonctionnement des circuits neuronaux qui nous motivent à faire quelque chose pour atteindre des objectifs. Il participe également au circuit de récompense, qui est activé, par exemple, lorsque nous mangeons quelque chose de bon.
En cas de dépression, la quantité de ces deux molécules est modifiée.
Il semble que les cytokines inflammatoires agissent sur le processus de production de ces deux neurotransmetteurs, diminuant leur quantité dans le cerveau.
Le futur projet de l'équipe de Lucile Capuron va tenter d'explorer cette hypothèse.
Un projet pour révéler le lien entre la dépression et l'inflammation
L'idée des chercheurs est d'étudier 50 patients atteints de dépression résistante aux médicaments. Certains souffrant d'un processus inflammatoire, d'autres non. Grâce à des tests sanguins, ils détermineront comment l'inflammation affecte la production de neurotransmetteurs.
Par ailleurs, l’équipe observera le cerveau des patients pour déterminer comment l’inflammation affecte l’activité cérébrale.
Des études chez les animaux seront également menées en parallèle, afin de confirmer par quels mécanismes moléculaires agissent les cytokines et d'explorer des pistes thérapeutiques.
Par la rédaction d'Allodocteurs.fr