Covid : On vous explique pourquoi la technologie des vaccins Pfizer et Moderna est révolutionnaire
La technnologie de l’ARN messager pourrait bien révolutionner le monde des vaccins et même de la médecine en général. Les explications de Jean-François Saluzzo, virologue et spécialiste des vaccins.
Moderna a annoncé le 16 novembre que son candidat-vaccin contre la Covid était efficace à 94,5%. Quelques jours avant, le 9 novembre, Pfizer et son associé BioNTech avaient quant à eux déclaré que leur candidat vaccin était efficace à 90%.
Contrairement aux vaccins habituels, ces deux vaccins utilisent une toute nouvelle technologie : un ARN messager. Cet ARN pourrait transformer la médecine. Les explications de Jean-François Saluzzo.
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Qu’est-ce que l’ARN messager ?
Dans une cellule, il existe le plus souvent trois éléments : l’ADN et l'ARN - deux types d'information génétique - et une structure capable de lire l’ARN pour reproduire les gènes. L’ARN peut être vu comme un messager et la cellule comme une usine : l'ARN messager communique à la cellule l'ADN qu'elle doit produire.
Les virus sont un cas particulier : ils possèdent soit de l'ADN, soit de l'ARN et utilisent la machinerie des cellules qu'ils infectent pour reproduire leur information génétique et se multiplier. Le SARS-CoV-2, par exemple, contient uniquement de l'ARN.
Pour produire ce vaccin, Pfizer et BioNTech ont créé un ARN artificiel qui contient l'information génétique d'une partie non infectieuse du virus : sa protéine de surface appelée spike ou spicule. Cet ARN messager entre dans les cellules humaines et leur demande donc de fabriquer la protéine spike.
"La cellule reproduit bêtement cette protéine", explique Jean-François Saluzzo. "Une fois produite, la protéine va être reconnue comme étrangère à l’organisme". C'est l'antigène qui va donner naissance à des anticorps. "Elle aura un comportement qui stimulera le système immunitaire. L’idée, c’est de faire produire son propre vaccin à l’organisme."
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Pourquoi utiliser un ARN messager ?
Traditionnellement, produire un vaccin en grande quantité nécessite d’énormes moyens industriels. Les laboratoires cherchent donc à créer un maximum de doses de vaccin avec le plus petit volume d'antigène possible. Cela doit permettre de vacciner le plus de personnes possibles avec le même volume de vaccins.
Or, l’ARN messager permet en théorie de vacciner un très grand nombre de personnes avec un petit volume, puisqu'au lieu de produire un vaccin, on demande au corps de le produire lui-même.
"Au lieu de produire un vaccin en grande quantité avec ce que ça représente industriellement, on va beaucoup plus vite car l’organisme produit seul son antigène", selon le Pr Saluzzo. "On pense que l’ARN messager permet d'être très productif. Si c'est le cas, il est tout à fait possible que Pfizer soit capable comme il l’annonce de produire 50 millions de doses en 2020. Bien sûr, avec le secret industriel, on ne peut pas le savoir à ce jour. Le laboratoire ne va pas révéler sa formule maintenant …"
L’ARN messager, une technique révolutionnaire ?
"Cette technique permet de travailler très vite, en 45 jours Pfizer et BioNTech ont pu créer un vaccin", répond Jean-François Saluzzo. L’ARN messager peut s’adapter rapidement à tous types de virus : "Si tout ce qu’ils ont affirmé est avéré, non seulement c’est une révolution, mais en plus ça permettra de résoudre le problème des maladies infectieuses", selon le virologue.
Toutefois, les avantages théoriques de cette technologie ne s’arrêtent pas là : l’ARN pourrait être capable de transporter des molécules très diverses dans l’organisme. "On peut donc peut-être lui faire transporter des molécules qui bloquent une cellule cancéreuse, ou un autre type de traitement", imagine le professeur. "L’idée, c’est de faire produire à l’organisme ce que vous produisez normalement en laboratoire. A partir de là, ça ouvre beaucoup de possibilités."
Jean-François Saluzzo avertit cependant : "les techniques révolutionnaires peuvent aussi être un fiasco. L’organisme réagit comme il a envie de réagir. Il faut être prudent." Pour l’heure, ni les résultats encourageants de Pfizer ni ceux de Moderna n’ont été approuvés par la communauté scientifique.