"Mise en danger de la vie d’autrui" : des associations dénoncent la pénurie d'aides à domicile
Les auxiliaires de vie et les aides à domicile sont de moins en moins nombreuses. Pour protéger les patients malgré cette pénurie, l’AFM-Téléthon et APF France handicap, ont saisi la Défenseure des droits. Reportage.
Depuis plus de 30 ans, Denis souffre d’une maladie génétique qui touche l’ensemble de ses muscles, la myopathie de Becker. Sa maladie a évolué progressivement.
Aujourd’hui, il ne peut plus se mettre debout, ni effectuer les gestes du quotidien. Pour aider Denis, trois aidants se relaient 18 heures par jour.
"Huit nuits sans manger ni se coucher"
"J'ai des aides pour quasiment tout, au coucher, au lever, pour manger mon repas, pour préparer le repas, pour aller faire mes besoins naturels pour toutes ces choses-là. Aujourd'hui, je ne peux pas le faire seul. La nuit, j'ai ce qu'on appelle une ventilation, c'est un masque qui m'envoie de l'air pour m'aider à respirer donc j'ai besoin d'une surveillance toute la nuit", explique Denis, 52 ans.
Mais à plusieurs reprises, l’aidant prévu le soir ne s’est pas présenté et personne n’est venu le remplacer.
"Huit nuits depuis le mois de mai, ce sont huit nuits sans manger, je reste dans mon fauteuil, je ne me couche pas, je dois passer une nuit comme ça. C’est une situation d'une violence absolue. On ressent de la peur, de l'angoisse et puis de la colère. Il y a quand même, je trouve, de la part des pouvoirs publics, un manque total de considération. Je pense qu'ils ne sont pas du tout au fait de ce qui se passe. Pour moi, j'estime vraiment être en danger dans ces situations", poursuit-il.
Un secteur qui peine à recruter
Les témoignages comme celui de Denis sont de plus en plus nombreux. L’une des causes, le secteur des services à la personne a des difficultés pour recruter.
"C'est vrai qu'on a du mal à motiver les gens à venir vers ce secteur qui souffre d'une mauvaise image. On a des difficultés plus importantes au niveau des personnes en situation de handicap, parce qu'au niveau du recrutement, on a besoin de plus de compétences", confie David François, directeur de Viva service, une agence d’aide à la personne.
"Ce sont des personnes pour lesquelles on va avoir des gestes plus techniques, un peu plus lourds, donc on a besoin d'un niveau de formation ou d'expérience plus important au niveau des intervenants. Ces intervenants sont plus rares sur le marché de l'emploi", poursuit-il.
Revalorisation salariale et appel d'urgence
Pour les associations AFM téléthon et APF France handicap, il faut sans attendre trouver des solutions. "Ce qu'on demande, c'est que pour les aides à domicile qui interviennent auprès de personnes qui sont à haut risque vital, qu'il puisse y avoir réellement une différence de salaire significative pour les inciter à prendre en charge ces personnes en situation très complexe", réclame Christophe Duguet, directeur des affaires publiques de l’AFM-Téléthon.
"La deuxième chose que l'on demande, c'est comme quand vous appelez le 15, quand vous avez une urgence médicale, qu'il y ait la possibilité dans chaque département d'appeler un interlocuteur qui ait pour mission de vous trouver au plus vite une solution pour éviter que vous soyez dans cette situation inadmissible aujourd'hui", poursuit-il.
Les associations ont saisi la défenseure des droits. Une enquête est en cours et les conclusions sont attendues dans les prochains mois.