Pourquoi la pénurie de médicaments s'aggrave-t-elle ?
De plus en plus de médicaments sont indisponibles en pharmacie. Au total, 12,5 % des références étaient en rupture d’approvisionnement mi-août, contre 6,5 % en janvier. Quelles en sont les causes ?
Depuis plusieurs mois, c’est un casse-tête quotidien pour Hervé Zibi, pharmacien en banlieue parisienne, qui lutte pour remplir ses tiroirs. Il existe 12 000 références de médicaments en France, et une sur 10 est actuellement en tension d’approvisionnement.
Dans certains cas, les conséquences de ces pénuries sont potentiellement lourdes. "Par exemple les insulines pour le diabète, on ne peut pas changer comme on veut. Si c'est une rupture de trois jours, ce n'est pas grave, mais, si c'est une rupture de 15 jours, trois semaines, ça peut entraîner les urgences chez certaines personnes et donc ça engendre beaucoup plus de complications pour le patient pour la suite", explique Hervé Zibi.
Confinements, guerre en Ukraine, délocalisation...
Les causes de ces ruptures de stock sont multiples. Il y a d'abord la situation géopolitique avec la succession des confinements et la guerre en Ukraine. Mais c’est aussi la complexité de la chaîne de fabrication d’un médicament, et la délocalisation de cette industrie qui multiplie les risques d’accidents de production.
"Vous avez des causes qui peuvent être liées par exemple à la difficulté d'acquérir la matière première qui sert à la fabrication de médicaments" commente Thomas Borel, directeur scientifique du LEEM, l'organisation professionnelle des entreprises du médicament. "Et surtout, vous avez une cause qui est liée à la demande mondiale qui n'a fait que s'accentuer depuis des années. On est maintenant à une croissance de 6 % de la demande et une difficulté parfois pour les entreprises de répondre par la construction de nouvelles usines", poursuit-il.
Stocks imposés et sanctions financières
Pour éviter les ruptures de stock, l’Agence du médicament a mis en place plusieurs mesures. Depuis un an, les industriels sont obligés de déclarer auprès d’elle les tensions d’approvisionnement, ce qui permet de mettre à jour la liste des médicaments indisponibles. Et ce n’est pas tout.
"On oblige les industriels à créer des stocks de sécurité. Pour des médicaments qu'on considère comme vraiment essentiels, on impose à l'industriel d'avoir deux mois de stock. Cela nous donne du temps, nous, à l’ANSM, pour essayer de trouver des solutions alternatives et puis évidemment, on a une autre mesure possible qui est la sanction financière", confie le Dr Caroline Semaille, directrice générale adjointe ANSM.
En cas de stock insuffisant, l’Agence du médicament peut désormais soumettre les fabricants à une amende, et ce, pendant toute la durée de la pénurie.