Distlilbène : des conséquences sur la santé reproductive des petites-filles ?
Les petites-filles des femmes qui ont pris du Distilbène pendant leur grossesse présenteraient un risque accru de malformations génitales, notamment une absence d’utérus, selon une nouvelle étude menée par le Réseau DES France.
Jusqu’où ira l’héritage Distilbène ? Selon l’association de référence Réseau DES France et plusieurs gynécologues français, l’exposition au Distilbène pendant une grossesse aurait des conséquences d’ordre génital et reproductif sur deux générations. Leur étude à paraître dans la revue Therapies et rapportée par Le Parisien le 30 janvier 2020 met en effet en évidence une incidence accrue de malformations génitales chez les "petites-filles Distilbène", aussi appelées les "troisièmes générations".
Le Distilbène, médicament à base de diéthylstilbœstrol (DES), a été prescrit entre 1948 et 1977 pour éviter les fausses couches. Il a eu des conséquences dramatiques sur la santé des personnes exposées in utero avec des risques accrus d’anomalies génitales, de cancers et de problèmes de fertilités "chez les fils et filles DES".
A lire aussi : Distilbène : une troisième génération de victimes
Malformation utérine et absence d’utérus
Pour réaliser ces nouveaux travaux sur les "petites-filles DES", les scientifiques ont utilisé des données recueillies en 2013 dans le cadre de l’étude "Distilbène 3 générations". 759 femmes dont la grand-mère avait pris du Distilbène pendant la grossesse avaient alors rempli un questionnaire de santé très précis. Les chercheurs ont ensuite comparé leurs réponses aux données de santé obtenues en population générale et à des femmes dont la mère avait été exposée au Distilbène (femmes "deuxièmes générations").
Résultat : les chercheurs ont observé chez les troisièmes générations une incidence accrue de malformations utérines, comme des doublements de l’utérus, des utérus didelphes ou encore des syndromes de Rokitansky, qui correspondent à une absence totale ou partielle d’utérus à la naissance. Pour ce dernier syndrome, trois cas sur 759 (0,4%) sont observés chez les "petites-filles Distilbène" contre un cas sur 4.500 (0,02%) en population générale, soit environ 20 fois plus.
"Il ne s’agit que d’une suspicion qui doit interroger, mais ne doit pas inquiéter" rassure Anne Levadou, co-autrice de l’étude et présidente de l’association Réseau DES France.
Un biais de surveillance dans les "familles Distilbène"
Des travaux complémentaires sont en effet nécessaires pour affiner ces observations. Pour l’heure, il est difficile de savoir si le taux de malformations plus élevé chez les " troisièmes générations" est dû à la surveillance plus poussée des "familles DES" sensibilisées et inquiètes "du risque de transmission", nous explique le professeur Michel Tournaire, gynécologue et co-auteur de l’étude. Et si ce taux plus élevé est avéré, "il faudra déterminer s’il s’agit d’un hasard ou d’un véritable mécanisme à étudier" poursuit le professeur Tournaire.
Moins de problème de grossesse chez les "petites-filles DES" ?
Néanmoins, "les conséquences pour les troisièmes générations comme les grossesses extra-utérines, les fausses couches tardives ou la prématurité sont sans commune mesure avec les deuxièmes générations", rassure dans les colonnes du Parisien la docteure Anne Wautier, gynécologue qui a également participé à l’étude. Ici encore, les études à venir permettront d’affiner ce premier résultat car pour le moment, les "petites-filles DES" sont encore jeunes pour observer chez elle un nombre significatif de grossesses et d’éventuels incidents.
"Ces résultats doivent être considérés comme préliminaires en raison du petit nombre de patients, de la durée de suivi limitée après la naissance en raison du jeune âge de la population étudiée et des méthodes d'observation" concluent les chercheurs dans leur publication.