Levothyrox : "Le changement de formule n’a pas donné lieu à des problèmes graves de santé"
La nouvelle formule du Levothyrox n’a pas de toxicité propre et n’a donc pas causé de problèmes graves de santé, selon un rapport de l’Ansm. Des conclusions qui déçoivent les associations de patients.
"Pas d’argument en faveur d’une toxicité propre de la nouvelle formule du Levothyrox." L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) publie le 13 juin 2019 son rapport final sur les conséquences du passage à la nouvelle formule du Levothyrox en France au printemps 2017. Selon les travaux de l’agence, aucune conséquence sanitaire grave n’est liée au changement de formule même si cet événement a pu occasionner "des difficultés" chez certains patients.
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Deux millions de patients
En décembre 2018 déjà, l’Ansm présentait des premiers résultats. Aujourd’hui, le rapport final est détaillé et comporte des données chiffrées précises : "nous avons effectué des analyses complémentaires pour nous assurer que nos premiers résultats soient robustes et nous avons discuté ces résultats, en les comparant notamment avec les données disponibles dans d’autres pays pour des situations similaires" nous explique Rosemary Dray-Spira, médecin épidémiologiste et directrice adjointe du groupement d’intérêt scientifique Epi-Phare qui signe ce rapport.
Les experts se sont appuyés sur les données disponibles dans le Système National des Données de Santé (SNDS) pour 2.075.106 personnes traitées par Levothyrox et âgées de 18 à 85 ans. Ces personnes ont ensuite été divisées de façon aléatoire en deux groupes :
- Le groupe nouvelle formule, qui réunit les données de 1 037 553 personnes ayant eu au moins une délivrance remboursée de Levothyrox nouvelle formule en avril, mai ou juin 2017 et suivies jusqu’au 31 décembre 2017.
- Le groupe ancienne formule, qui réunit les données de 1 037 553 autres personnes, similaires en terme de caractéristiques sociodémographiques et médicales et ayant eu au moins une délivrance remboursée de Levothyrox ancienne formule en avril, mai ou juin 2016 et suivies jusqu’au 31 décembre 2016.
Pas plus d’hospitalisations ou de décès
Résultat : avec la nouvelle formule, aucune augmentation des hospitalisations, des décès, des arrêts de travail de plus de sept jours et de la consommation de médicaments contre les symptômes somatiques (antalgiques, corticoïdes, antihistaminiques, traitements de l’hypotension orthostatique, antimigraineux, antivertigineux, antidiarrhéiques) n’a été observée. Autrement dit : "Nous ne mettons pas en évidence d’augmentation de problèmes de santé graves parmi les personnes qui ont pris la nouvelle formule par rapport à celles qui ont pris l’ancienne formule l’année précédente" résume Rosemary Dray-Spira.
Enquête de Santé - Documentaire diffusé le 22 mars 2018
"Il s’est passé quelque chose"
Seuls changements constatés : une augmentation du recours aux soins ambulatoires, une hausse de 2% des consultations médicales entre août et octobre 2017 et une augmentation de la consommation de benzodiazépines, des médicaments anxiolytiques. "Ces résultats ne sont pas contradictoires avec les données de pharmacovigilance et l’augmentation des notifications. Il s’est passé quelque chose, les personnes qui ont pris la nouvelle formule ont ressenti des symptômes et ont donc plus consulté leur médecin mais le changement de formule n’a pas donné lieu à des problèmes graves de santé" interprète l’épidémiologiste.
Quant à la hausse de délivrance de benzodiazépines, elle reflète "probablement", selon Rosemary Dray-Spira, "la présence de symptômes qui ont pu générer de l’anxiété et donc une consommation d’anxiolytiques."
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"On ne va pas lâcher l’affaire"
Mais du côté des associations de patients, le rapport de l’Ansm déçoit. "Je ne sais pas d’où ils tirent leurs conclusions mais nous ce qu’on peut dire, c’est qu’on a bien été malades et qu'il y a donc forcément un problème quelque part" déplore Chantal Molinier, membre de l’association Vivre sans thyroïde. "Mais j’ai bien peur que les analyses n’aient été tronquées", se méfie-t-elle aujourd’hui, ajoutant : "On ne va pas lâcher l’affaire. Mais pour le moment, on est un peu dépités." Opérée de la thyroïde en 1987, Chantal Molinier a pris du Levothyrox – ancienne formule – pendant 30 ans, "sans se poser de question". Mais en 2017, tout s’est écroulé : "tous les jours, je me sentais dépérir, j’avais envie de vomir, je n’avais plus la force de rien faire."
"Ce que j’aimerais, c’est qu’ils nous redonnent notre médicament"
Au côté de plus de 4.000 autres patients, Chantal Molinier fait partie des plaignants de l’action collective intentée en justice contre le laboratoire fabricant Merck. Le 5 mars dernier, le tribunal d'instance de Lyon avait écarté tout "défaut d'information" du laboratoire. "Notre prochain rendez-vous devant le tribunal est le 7 janvier 2020" révèle Chantal Molinier. "Ce que j’aimerais, c’est qu’ils nous redonnent notre médicament et qu’ils reconnaissent qu’ils ont fait une erreur quelque part, on ne demande pas plus."