Dans le métro parisien, les sans-abris sont souvent des travailleurs pauvres
Chaque jour, le métro parisien devient le refuge de plusieurs centaines de sans-abri. Généralement plus âgés que ceux installés dans la rue et dans un état de santé souvent préoccupant, ils sont de plus en plus nombreux à avoir un emploi.
Métro, boulot... métro. Les sans-abris du métro parisien sont de plus en plus des travailleurs pauvres, selon une enquête présentée le 18 novembre 2019 par la RATP et l’Observatoire du Samusocial de Paris et menée de décembre 2018 à août 2019.
Un tiers des 714 sans-abris recensés déclarent en effet avoir des revenus : pour 20% d'entre eux tirés du travail, 6% de leur retraite et 3% du chômage.
Travailleurs précaires, retraités, femmes victimes de violences…
Il s’agit majoritairement d’hommes seuls (82%), francophones et âgés de 46 ans en moyenne. "Le public a changé, en particulier avec l'augmentation de la part des travailleurs précaires, qui font un autre usage du métro. Ils y passent la nuit mais travaillent la journée, ou l'inverse", explique à l’AFP Odile Macchi, sociologue à l'observatoire du Samusocial, qui a mené l'enquête de terrain. On trouve également de plus en plus de jeunes retraités, de jeunes en rupture familiale, des femmes victimes de violences et des personnes malades.
Parmi les 714 sans-abri recensés par l'enquête dans la quasi-totalité des stations pendant l'enquête, seuls 7% disent y rester toute la journée et font partie de cette classe d'occupants, souvent clochardisés, repérable du grand public. Et pour plus de la moitié des sans-abri du métro, le souterrain représente juste un refuge. "Entre 6h et 8h, dormir représente l'activité principale (50% des sans-abri recensés). A partir de 18h, la majorité (60%) des sans-abri n'avaient aucune activité", détaille l'enquête.
30% sont en mauvaise ou très mauvaise santé
Et parmi la population enquêtée, plus de 30% des sans-abri du métro se déclarent "en mauvais ou très mauvais état de santé", selon le rapport, soit près de deux fois plus que dans l'enquête nationale de référence sur les sans-domicile, réalisée en 2012 par l'Insee (17%).
De même, 30% des sans-abris interrogés disent être limités dans leurs activités quotidiennes comme manger ou marcher, dont 20% de manière forte. Ils sont en effet 3% à déclarer marcher 500 mètres avec beaucoup de difficultés et 2% à ne pas pouvoir le faire.
Par ailleurs, 7 % déclarent avoir beaucoup de difficultés à monter ou descendre les escaliers. "Ces limitations fonctionnelles physiques peuvent parfois freiner les orientations vers les structures", déplorent l’Observatoire du Samusocial de Paris et la RATP dans leur enquête.
Dépendance à l’alcool
Selon l'enquête, ils sont également 30% à déclarer consommer de l'alcool plus de quatre fois par semaine. Et si 10 % déclarent consommer un à deux verres et 10 % trois à quatre verres au cours d’une journée ordinaire où ils boivent de l’alcool, près d’un-quart (23 %) en consomment dix verres ou plus. Enfin, 21 % déclarent boire tous les jours ou presque plus de six verres d’alcool au cours d’une même occasion.
Ainsi, selon cette enquête, "33 % des sans-abri du réseau de la RATP ont une consommation d’alcool à risque chronique et 17 % ont une consommation à risque de dépendance".
Drogue et médicaments détournés
Quant à la consommation de drogue, un quart des enquêtés ont déclaré avoir consommé de la drogue ou des médicaments détournés au cours des douze derniers mois. Il s’agissait pour 20 % d’entre eux de cannabis, pour 14 % de la cocaïne ou du crack et pour 7 % des opiacés. Et "ces drogues, lorsqu’elles sont consommées, le sont de manière fréquente" précisent l’Observatoire du Samusocial de Paris et la RATP.
Ainsi, "78 % des hommes consommateurs du cannabis y ont recours au moins une fois par semaine et 41 % au moins trois fois par semaine". De même, "près des trois-quarts des hommes consommant de la cocaïne ou du crack y ont recours au moins trois fois par semaine et près d’un-quart une à deux fois par semaine".
140 places ouvertes en "maisons solidaires" cet hiver
Entre 200 et 350 personnes dormiraient dans le métro chaque nuit. Ce chiffre varie notamment parce qu’il existe "une corrélation forte avec la température extérieure", explique à l’AFP Emmanuelle Guyavarch, responsable de la mission de lutte contre la grande exclusion à la RATP.
En 2018, près de 2.500 personnes différentes ont été identifiées et accompagnées par la RATP. Le budget du Recueil social de l'opérateur de transport public est passé de six à sept millions d'euros en 2019.
Fin mai, la présidente de la région Valérie Pécresse avait annoncé la création de "maisons solidaires", destinées à accueillir les sans-abri du métro. "140 places seront ouvertes dès cet hiver dans un projet pilote", a-t-elle expliqué lors d'une conférence de presse le 18 novembre.