Et si vous veniez à l'hôpital avec vos ordonnances ?
En moyenne, pour chaque hospitalisation, il surviendrait une erreur dans l'administration des médicaments (oubli ou erreur) selon les résultats d'une expérimentation de la Haute Autorité de santé (HAS) présentée le 25 novembre 2015. Dans 5% des cas, un tel oubli pourrait avoir des conséquences graves. La solution proposée par la HAS : l'instauration d'un recensement systématique, à l'admission, des médicaments pris ou à prendre par le patient.
Oublier d'administrer un médicament, ou en administrer un autre de façon involontaire : telle est la définition d'une "erreur médicamenteuse" (à ne pas confondre avec l'iatrogénie, la question de l'interaction délétère entre des médicaments ou avec divers aliments).
Comme le précise la Haute Autorité de Santé (HAS), "par définition, l’erreur médicamenteuse est évitable, car elle manifeste ce qui aurait dû être fait et qui ne l’a pas été [au cours de la prise en charge] d’un patient". Elle peut concerner différentes étapes du circuit du médicament, "telles que la prescription, la dispensation, la préparation galénique, la délivrance, l’administration, le suivi thérapeutique", mais aussi toutes les étapes où les prescriptions changent de mains…
Plusieurs facteurs expliqueraient la survenue d'erreurs : la diversité des pathologies traitées sur un même site, l'intervention de multiples acteurs de santé dans des lieux géographiques variés, l'interruption de tâche en cours, une information difficilement accessible…
En 2009, la HAS a initié l'expérimentation Med'Rec, inspirée de l’initiative High5s de l'Organisation mondiale de la santé. Durant cinq ans, neuf hôpitaux français volontaires ont systématisé l'obtention d'une liste de tous les médicaments pris (ou à prendre) par les patients de plus de 65 ans, avant leur hospitalisation. Ce protocole dit de "conciliation des traitements médicamenteux" (voir encadré), a pu être appliqué à 27.447 patients.
Par la suite, à 46.188 occasions, un professionnel de santé "a observé un écart entre [ce] bilan médicamenteux établi à l’admission et la prescription en cours, une fois le patient hospitalisé", a expliqué la HAS ce 24 novembre, en marge de la publication des résultats de Med'Rec. Parmi ces écarts observés, il faut toutefois distinguer les erreurs médicamenteuses (estimées autour de 48% des cas) des changements de traitement voulus, mais non expliqués par le médecin (52%).
"En moyenne, [chaque patient] aurait présenté dans son traitement, s’il n’avait pas été concilié, une erreur médicamenteuse et un changement non documenté", résume-t-on à la HAS.
Selon la HAS, sans cette conciliation, environ 5% des erreurs auraient pu avoir des "conséquences cliniques graves" pour le patient.
Un "Blue Button" à la française
"On ne peut pas continuer à avoir des malades qui meurent parce que l'on ne connaît pas leur traitement médicamenteux", s'est insurgée Claude Rambaud, vice-présidente du Collectif Interassociatif Sur la Santé (CISS), représentant les patients. "Il faut dire aux patients de venir à l'hôpital avec leurs ordonnances", a poursuivi Mme Rambaud qui regrette que cette conciliation ne soit pas encore systématique.
La responsable milite pour que soit mis en place, comme aux Etats-Unis, un dispositif appelé "Blue Button", permettant de télécharger sur son portable les traitements et données essentielles des examens afin de pouvoir les partager avec les professionnels de santé à tout moment.
La HAS a de son côté indiqué qu'elle allait mettre en place un guide afin d'accompagner la mise en œuvre de la conciliation médicamenteuse dans les établissements de santé.
Une étude réalisée en 2009 avait établi que 51,2% "des événements indésirables graves" liés aux médicaments étaient considérés comme évitables, et que 54,5% avaient motivé une hospitalisation.
Selon la définition de la HAS, la conciliation des traitements médicamenteux "est un processus formalisé qui prend en compte, lors d’une nouvelle prescription, tous les médicaments pris et à prendre par le patient.
Elle associe le patient et repose sur le partage d’informations et sur une coordination pluri-professionnelle. Elle prévient ou corrige les erreurs médicamenteuses en favorisant la transmission d’informations complètes et exactes sur les médicaments du patient, aux points de transition que sont l’admission, la sortie et les transferts."