L'air dans les avions est-il toxique ?
Pour la première fois en France, un pilote d’avion vient de déposer plainte contre X. Il s'estime victime du "syndrome aérotoxique". Mais ce phénomène est encore peu étudié en France et difficile à établir. Il s'agirait de failles dans les systèmes d'aération des avions qui pourraient être à l'origine d'une exposition à un air contaminé.
Eric est pilote d’avion depuis plus de 20 ans. Au cours de sa carrière, il a vu son état de santé se dégrader. Pour lui, exercer son métier est devenu dangereux. Les premiers symptômes sont apparus en 2009. "Initialement, les symptômes ressemblaient à une gastroentérite. J’étais pris de vomissements, de diarrhées, d’étourdissements, de pertes d’équilibre… Ces symptômes ont commencé à s’accroître en intensité et sont devenus de plus en plus récurrents."
Un syndrome qui toucherait surtout le personnel naviguant
A cause de son métier, Eric pense souffrir du "syndrome aérotoxique" qui toucherait principalement le personnel naviguant. En vol, l'air que l'on respire passe par les moteurs à réaction avant d'être diffusé en cabine. Les huiles des moteurs contiennent des substances toxiques comme les organophosphates organiques. En cas de fuite, l’huile chauffée libèrerait une fumée potentiellement toxique et passerait dans le système de ventilation. C'est l'inhalation à répétition de ces substances qui entrainerait l’apparition du syndrome.
André Picot, toxico-chimiste, explique : "des toxicologues de renommée internationale ont travaillé sur le sujet et ils sont unanimes pour dire qu’il y a effectivement une relation entre ce syndrome aérotoxique et les produits qui sont injectés avec l'air dans l'habitacle. On pense aux différents phosphates organiques, mais on peut aussi accuser partiellement, par exemple, le monoxyde de carbone".
Une nouvelle "maladie" ?
Pour l’instant, le "syndrome aérotoxique" n’est pas officiellement reconnu par le corps médical. Toutefois, certains médecins affirment avoir déjà suivi plusieurs patients parmi le personnel naviguant. C’est le cas du Pr Dominique Belpomme, cancérologue et spécialiste en médecine environnementale. Il a mis en place un traitement expérimental donc Eric bénéficie.
"Les patients que j’ai pu voir en consultation de médecine environnementale ont des symptômes cliniques essentiellement neurologiques et neuromusculaires qui traduisent une dégénérescence de la substance blanche du cerveau. Les conséquences sur le plan symptomatique sont des troubles cognitifs, c’est-à-dire une perte de mémoire immédiate, et un syndrome confusionnel avec des troubles de l’attention et de la concentration", explique-t-il.
Une première plainte contre X en France
Pour tenter de faire reconnaître le "syndrome aérotoxique", Eric a décidé de déposé plainte contre X pour "atteintes involontaires à l’intégrité de la personne, mise en danger de la vie d’autrui et tromperie aggravée". Son avocate, Marie-Odile Bertella-Geffroy, est une ancienne juge qui a participé à plusieurs procès environnementaux, dont celui de l'amiante.
Selon elle, "c'est une vraie affaire de santé publique. Ce qu'on espère : que le lien de causalité entre ces symptômes soit reconnu. C’est une spécificité du droit pénal qui concerne les délits non intentionnels. On n’a pas l’intention de porter atteinte à la santé ou à la vie de personnes, mais par des négligences et des imprudences avec la connaissance du danger, le droit pénal peut s’appliquer."
Avec cette plainte, Maître Bertella-Geffroy espère déclencher des expertises médico-judiciaires et obtenir, à terme, une reconnaissance du "syndrome aérotoxique".