Hôpital Avicenne : histoire d'un héritage colonial
On le connaît aujourd'hui sous le nom d'Avicenne. Mais l'hôpital situé à Bobigny, en banlieue parisienne, s'est longtemps appelé Hôpital franco-musulman. À sa construction en 1935, il était en effet réservé aux patients musulmans de Paris, et placé sous l'autorité de la préfecture de Paris. Désormais, le bâtiment est protégé au titre des monuments historiques pour son architecture, mais aussi comme lieu de la mémoire coloniale et de l'immigration.
À sa création l'Hôpital franco-musulman de Bobigny est entièrement dédié à la population immigrée d'Ile-de-France, 50.000 travailleurs nord-africains pour la majorité d'origine algérienne vivant dans des conditions sanitaires déplorables. Pour les accueillir, l'hôpital va prendre en compte leur particularisme culturel et religieux. L'administration hospitalière va notamment tenter de recruter en priorité un personnel arabophone ou berbérophone, une alimentation sans porc est également prévue… L'hôpital se veut aussi moderne affichant une prise en charge et des soins de qualité.
Dans les années 30, en plein contexte colonial, à l'image de la mosquée de Paris construite quelques années plus tôt, l'hôpital s'inscrit dans une politique patriarcale de la France à l'égard des immigrés venus des colonies. Mais derrière ces préoccupations de santé publique affichées, se cache une logique policière. Dans les rangs des travailleurs immigrés émergent en effet les premiers mouvements indépendantistes comme celui de l'Etoile nord-africaine érigée par Messali Hadj. Conséquences : beaucoup de musulmans refusent d'être hospitalisés et relégués dans cette campagne lointaine et hostile qu'était alors Bobigny.
Dès la fin de la Seconde guerre mondiale, l'hôpital s'ouvre aux malades des communes voisines. Rebaptisé Avicenne en 1978, l'établissement reste marqué par son histoire. C'est notamment dans ces murs que s'est développée l'ethnopsychiatrie pour mieux prendre en charge une patientèle multiculturelle.