En Australie (aussi), l'homéopathie n'est qu'un placebo
Les études indépendantes se suivent et se ressemblent toutes : l'homéopathie est indifférenciable d'un placebo. Appelé à statuer sur cette question, le Conseil national de la santé et de la recherche médicale (NHMRC) d'Australie n'arrive pas à une autre conclusion, après l'examen de 225 études sur cette pratique à prétention médicale.
Une inefficacité prouvée
La médecine est très pragmatique : si un médicament apparaît efficace pour soigner un mal, il est volontiers incorporé dans l'arsenal pharmaceutique. Pour peu qu'il y ait un effet, les mécanismes par lesquels la guérison s'opère importe souvent bien peu aux médecins – qui laissent cela aux chercheurs.
Les principes fondateurs de l'homéopathie sont extrêmement douteux, certains apparaissant même franchement absurdes aux yeux d'un chimiste. Le principe des "hautes dilutions", selon lesquelles le médicament homéopathique est d'autant plus efficace que le produit dont il dérive est dilué, aboutit à des situations absurdes d'un point de vue mathématique, physique ou biologique.
Mais l'absence de cadre théorique n'a pas grande importance. En réalité, la thématique pourrait même être très stimulante intellectuellement, pour tout chercheur animé de curiosité : si un phénomène est observé, mais ne peut-être expliqué, il y a là une piste prometteuse pour réaliser d'importantes découvertes. Les observations d'Henri Becquerel sur l'inexplicable capacité de l'uranium à impressionner des plaques photographiques à distance ont ouvert la voie à un pan immense de la physique moderne (et lui ont valu un prix Nobel de physique).
Les médicaments homéopathiques ont-il un effet ? Là est la seule, l'unique question. Pour y répondre, la méthode est au fond assez simple. Il suffit de voir s'il est possible de distinguer, d'une quelconque façon, la prise d'un tel médicament de la prise d'une substance neutre (un placebo). Pour que le test soit valide, il est impératif que le patient ignore laquelle des deux substances il a reçu ; et le médecin prescripteur ne doit pas, non plus, savoir ce qui sera remis à son patient. Les prescriptions des préparations homéopathiques peuvent suivre le principe "d'individualisation du traitement". L'expérience peut être répétée sur un grand nombre de personnes, maladie par maladie, pour avoir une cohorte suffisamment importante et en tirer une conclusion statistique : peut-on détecter une différence quelconque, à un quelconque niveau biologique, entre les deux sous-groupes ?
Pour l'homéopathie, la réponse est nette est sans appel : non, il n'y a pas la moindre différence. Face à ce constat, il n'y a aucune légitimité à chercher à expliquer comment l'homéopathie fonctionnerait. Comme le soulignait le psychopharmacologue Jean-Jacques Aulas dans le Magazine de la santé : "avant de chercher à expliquer comment les fantômes font pour traverser les murs, il faut qu'il y ait une raison de croire qu'il y a un fantôme !"
Le constat de l'Australie
Le Conseil national de la santé et de la recherche médicale (NHMRC) australien a examiné 225 études sur l'homéopathie, et a conclu qu'il n'existe aucune preuve tangible permettant "de soutenir cette pratique". "Il n'existe pas de conditions de santé pour lesquelles on trouverait des preuves fiables que l'homéopathie soit efficace".
La poignée d'études suggérant une quelconque efficacité contenaient des biais méthodologiques grossiers (erreurs d'interprétation statistique, expériences n'étant pas menées en aveugle, etc.), déclare le NHMRC dans un communiqué.
Le rapport de le NHMRC conclut "que les Australiens ne devraient pas utiliser l'homéopathie en lieu et place d'autres traitements éprouvés et efficaces".
"Les gens qui choisissent l'homéopathie peuvent mettre leur santé en danger s'ils rejettent ou retardent l'utilisation de traitements pour lesquels il existe une preuve de sécurité et d'efficacité," a déclaré Warwick Anderson, responsable de le NHMRC. "Les gens qui envisagent d'utiliser l'homéopathie doivent d'abord obtenir des conseils d'un professionnel de la santé agréé et, en attendant, continuer à prendre des traitements prescrits."
L'argument du ''placebo efficace''
Suite aux déclarations de le NHMRC, Grant Kardachi, le président de la Société pharmaceutique australienne, qui fédère 27.000 pharmaciens, a rejeté l'idée d'éliminer les produits homéopathiques des étagères des officines, suggérant "qu'ils pourraient encore être utilisés comme des placebos efficaces".
Selon lui, "si quelqu'un entre dans une pharmacie et demande un traitement homéopathique pour aider à dormir, et si ce traitement fonctionne grâce à l'effet placebo", "cela est peut-être mieux que de devoir obtenir une prescription auprès d'un médecin pour obtenir des somnifères".
L'argument n'est pas nouveau, mais il pose plusieurs problèmes. Le premier est d'ordre éthique : un professionnel de santé peut-il mentir au patient, en prétendant lui donner un médicament ayant une efficacité propre, pour mettre en jeu d'éventuels mécanismes psychologiques permettant d'aboutir à la guérison ? Autre question soulevée par cette approche : en entretenant le mythe de l'efficacité d'une pratique d'apparence médicale, en utilisant les arguments fallacieux et le folklore pseudo-scientifique destinés à la justifier, on encourage le patient à construire une représentation totalement erronée de son corps, ou de la façon dont une guérison s'opère. Or, si un jour le patient contracte une maladie grave – qui ne se résorberait pas d'elle même – l'imaginaire thérapeutique ainsi cultivé peut l'amener à faire de très mauvais choix (ou prendre conseil auprès de personnes mal formées, ce qui revient exactement au même).
''Mieux vaut cela qu'un médicament dont le corps n'a pas besoin'' ?
Le concept de "placebo particulièrement efficace" peut sembler absurde : si un placebo est plus efficace qu'un autre, l'un des deux n'est, par définition, pas tout à fait un placebo…
L'effet placebo est, dans la culture populaire, celui du "pouvoir de l'esprit", l'effet psychologique de la conviction d'être soigné. Dans les faits, le phénomène est beaucoup plus subtil(1). Mais certains comportements et certains rituels peuvent indéniablement induire des phénomènes psychologiques très différents. Des expériences ont déjà essayé de mesurer l'impact sur la sensation de guérison d'attitudes différentes de la part du personnel médical. Ces recherches montrent que la prise en charge des patients, par des "médecins homéopathes" induit de meilleurs effets qu'une prise en charge par des généralistes, alors même que les comprimés donnés aux malades étaient identiques. La prise en charge a, en elle même, un effet placebo, et l'attitude de la plupart des homéopathes semble plus réconfortante que celle des généralistes.
C'est un enseignement précieux : il est possible d'améliorer l'efficacité des traitements affichant autant d'intérêt et de compassion pour le patient que le font les homéopathes. Mais une reconnaissance des talents des homéopathes n'est pas une reconnaissance de l'utilité de l'homéopathie, loin de là.
Tout de même, ne vaut-il mieux pas donner un placebo à un patient qui réclame un traitement, plutôt que de lui donner une substance active dont son corps n'a pas besoin ? Cela est loin d'être absurde mais, pour les raisons évoquées plus haut, pourquoi cela devrait-il être la mensongère homéopathie ?
Les utilisateurs de l'homéopathie croient souvent utiliser un traitement "naturel", "à base de plantes", et sont nombreux à conspuer l'industrie pharmaceutique qui commercialiserait des "traitements inutiles". Malheureusement, la plupart des "médicaments" homéopathiques ne contiennent pas la moindre molécule d'un quelconque extrait naturel : ce ne sont que des billes de sucres, vendues à prix d'or, par des laboratoires qui n'ont pas besoin d'investir le moindre euro dans la recherche médicale. Où sont les laboratoires qui abusent de la crédulité et de l'ignorance du public ?
Rien de nouveau sous le soleil
L'annonce de le NHMRC n'a rien de révolutionnaire. Contrairement à ce qu'ont pu écrire quelques commentateurs francophones, elle ne soulève ni "polémique" ni "controverse" chez les scientifiques et chez les médecins qui – comme les y invite, par déontologie, le code de la santé publique(2) – basent leur pratique sur des connaissances scientifiques.
Il est peu probable qu'en France, ce rappel de faits très connu change quoi que ce soit. L'un des plus grands laboratoires homéopathiques est implanté sur notre sol ; les étudiants en pharmacie peuvent suivre une spécialisation en homéopathie (au mépris, on l'aura compris, de tout fondement scientifique ou médical) ; de nombreuses préparations sont remboursées à 35% par la sécurité sociale, alors qu'elles n'ont aucun effet propre.
Cette situation, que d'aucun juge aberrante, se justifie autant par des intérêts économiques immenses que par de puissants ressorts psychologiques. Au premier lieu desquels le refus, pour beaucoup de citoyens, d'admettre qu'ils se soignent avec un authentique et banal placebo.
"Et alors ? Au moins on ne s'empoisonne pas avec des médicaments dont on a pas besoin !"
En elle même, l'homéopathie n'empoisonne que le budget (et celui de la sécurité sociale, pour les produits remboursés). Elle ne guérit pas, et crée de fausses représentations.
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(1) Un essai clinique réalisé "contre placebo" met en jeu de nombreux effets qui n'ont rien de psychologiques ; par exemple, certaines maladies se résorbant d'elles mêmes, la guérison suite à la prise d'un faux médicament est, en partie, le fruit d'une évolution normale.
(2) L'Article R4127-32 du code de la santé publique (chapitre VII : Déontologie, sous-section "devoirs envers les patients") stipule que "dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande, le médecin s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents". Cela pose d'ailleurs une question qui est loin d'être anodine : les patients peuvent-ils conserver sa confiance en un médecin qui se détournerait de ce principe déontologique fondamental ?
Pour en savoir plus sur l'homéopathie :