A quoi sert l’Agence européenne du médicament, que Lille veut accueillir ?
Basée à Londres, l’Agence européenne du médicament va devoir déménager à cause du Brexit. Lille figure parmi les villes candidates pour que ce régulateur européen du médicament s’installe en France.
Avant de peut-être perdre les nombreux sièges d’entreprise installés outre-Manche, Londres va devoir laisser partir tous les employés de l’Union européenne qui travaillent sur son sol. Notamment ceux de l’Agence européenne du médicament (EMA), dont les nouveaux locaux seront peut-être à Lille.
Qu’est-ce que l’Agence européenne du médicament ?
Créée en 1995, l’EMA siège donc à Londres. Son rôle ? "Garantir l’évaluation scientifique, le contrôle et le suivi de la sécurité des médicaments à usage et vétérinaire dans l’UE", selon la description de son site. Elle délivre les autorisations de médicaments sur le territoire de l’Union et les contrôle.
Elle emploie environ 900 fonctionnaires européens et fédère des milliers de scientifiques au niveau européen, avec à chaque fois l’objectif que les meilleurs experts européens réalisent les études permettant d’autoriser ou non des traitements. Sept comités scientifiques (médicaments à usage humain, évaluation des risques en pharmacovigilance, médicaments à usage vétérinaire, médicaments orphelins, médicaments à base de plantes, pédiatrique et thérapies avancées) sont chargés d’évaluer les traitements proposés par les laboratoires. L’EMA aide également les laboratoires de recherche en les mettant en relation et en finançant certains projets.
Chaque membre de l’EMA ou scientifique amené à délivrer une expertise doit remplir une déclaration d’intérêts chaque année pour éviter tout conflit avec une entreprise privée ou une autre organisation.
Quelle est sa relation avec l’agence française du médicament ?
L’EMA collabore avec plus d’une cinquantaine d’agences nationales, médicales et vétérinaires. En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) fait partie du réseau de l’EMA. Son rôle est similaire, mais il se cantonne au territoire français.
Grâce à la procédure centralisée, il suffit d’une seule expertise au niveau européen pour qu’un médicament soit autorisé dans les 28 pays membres. Une situation qui peut favoriser les lobbies, même si chaque Etat peut décider de suspendre une autorisation sur son territoire en cas d’urgence.
En réalité, la plupart des médicaments vendus sur le territoire de l’UE ont été autorisés avant la mise en place de l’EMA. D’où l’utilité d’une procédure de reconnaissance mutuelle, qui permet aux Etats membres de prendre comme référent un pays qui a déjà autorisé un médicament et de s’accorder pour autoriser ce médicament sur tout le territoire de l’UE.
Parfois, il arrive que les réglementations française et européenne ne s’accordent pas. Ce fut par exemple le cas pour le Diane35 et ses génériques, suspendus par la France en 2013... mais pas dans le reste de l'Union européenne. L’EMA avait estimé que les bénéfices du médicament étaient supérieurs aux risques thrombo-emboliques encourus par certaines patientes.
Pourquoi Lille veut-elle l’accueillir ?
A chaque nouvelle agence créée ou déplacée, les différents Etats membres se battent pour l’accueillir. Parce que cela permet d’abord de citer souvent la ville dans laquelle se trouve l’agence lorsque les médias en parlent. Surtout, les fonctionnaires européens (900 dans le cas de l’EMA) sont des employés qualifiés, aux hauts revenus et ils viendront dans leur nouvelle ville d’accueil avec leurs familles. Les multiples réunions d’experts prestigieux engendrent également des rentrées d’argent pour la ville hôte, en nuit d’hôtel et repas au restaurant.
Autant de raisons qui ont poussé 19 villes à se porter candidates pour accueillir l’EMA. Lille se retrouve donc en compagnie de Milan, Copenhague, Zagreb ou encore Porto, et table sur sa campagne de communication et la construction d’un nouveau bâtiment pour emporter la mise, comme le relate la Voix du Nord.
Les candidats sont connus depuis le 31 juillet. Leur offre sera évaluée par la Commission d’ici le 30 septembre, et le vote des 27 Etats membres de l’UE (sans le Royaume-Uni donc), aura lieu en novembre. Le scrutin comportera plusieurs tours, et pourra s’avérer "sanglant" selon un diplomate cité par le Monde. Le Brexit a relancé la guerre des drapeaux.