L214, le lobby de la protection animale
Les animaux ont aussi leur lobby. Il s'agit de l'association L214, qui tire son nom d'un article de loi qui reconnaît les animaux comme des êtres sensibles. Comment, en quelques années, cette association s'est-elle imposée comme un lobby très puissant ?
L'association L214 est connue pour ses vidéos choc qui dénoncent la souffrance animale. La dernière en date dénonce des infractions dans un abattoir du Boischaut dans l'Indre. A la suite de la diffusion de cette vidéo, le nouveau ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, a ordonné la fermeture temporaire de l'abattoir.
C'est d'ailleurs presque devenu une règle, à chaque nouvelle vidéo postée par L214, les politiques réagissent. L214 est clairement devenu un lobby de plus en plus influent.
L214, un lobby de la souffrance animale
L214 milite contre la souffrance animale mais pas seulement. Son combat va bien au-delà. Brigitte Gothière et Sébastien Arsac qui ont créé l'association ont un projet politique, ils sont antispécistes, c'est-à-dire qu'ils considèrent que l'homme et l'animal sont égaux. Leur but ultime est que les Français et l'ensemble des êtres humains changent de régime alimentaire et deviennent végans.
Pour mener à bien ce projet, ils espèrent changer les mentalités et aussi la loi. Leur particularité est qu'ils se définissent comme un "lobby éthique" qui ne défend pas un intérêt particulier, mais l'intérêt général.
Un lobby de plus en plus influent
Ce lobby a déjà réussi à influencer la loi. En mars 2016, à la suite d'une série de vidéos comme celle de l'abattoir d'Alès et à une pétition qui a recueilli 145.000 signatures, l'association L214 obtient des députés la création d'une commission d'enquête parlementaire sur les abattoirs.
Après la diffusion d'autres vidéos, en mai 2018, les députés donnent le feu vert pour deux ans à l'expérimentation de la vidéosurveillance dans les abattoirs à la suite d'un amendement de Loïc Dombreval (LREM) au projet de loi agriculture et alimentation. Pour L214, il s'agit d'une victoire partielle car l'association souhaitait que cette vidéosurveillance devienne obligatoire.
Mais les victoires les plus importantes ont été obtenues sur les grandes surfaces ou les entreprises agroalimentaires comme par exemple celle sur Super U. L'enseigne a annoncé l'arrêt de vente d'oeufs de batterie dans ses magasins en 2020 après des actions de L214.
Un lobby très structuré
De nombreuses associations défendent la cause animale mais elles n'ont pas autant d'impact que L214. Cette association est particulièrement bien structurée, au point qu'une agence de communication s'est penchée sur ses techniques. Car son influence ces cinq dernières années est fulgurante. Elle pointe notamment la professionnalisation des méthodes.
Chaque vidéo choc est associée à une personnalité publique qui accompagne le propos. Sophie Marceau, Mathieu Ricard ou encore des stars de la téléréalité ont accepté d'apparaître dans ces vidéos pour relayer les messages de l'association. L'association a aussi su négocier des exclusivités par exemple avec l'émission "Quotidien" de Yann Barthès ou sur Internet via Brut, un format qui touche un public plutôt jeune. Contrairement aux autres associations, L214 a l'ambition de toucher un public qui va bien au-delà des simples militants convaincus de la cause. Le but est de susciter l'émotion dans la société pour pousser le pouvoir politique à réagir publiquement.
Un lobby qui joue la transparence
Il est très fréquent que les lobbies écrivent des amendements à la place des parlementaires qui n'ont alors plus qu'à les déposer. En général, tout se déroule en catimini. L214 rend les amendements pré-rédigés publics, ils sont disponibles sur leur site et les députés n'ont plus qu'à se servir. Ce système est assez novateur, ce lobby casse les codes du lobbyisme classique. L214 n'hésite pas non plus à rendre public les noms des parlementaires, comme qui ont déposé ces amendements.
L'association L214 joue donc la carte de la transparence, mais pas sur tous les tableaux. L214 a une très forte proximité avec un groupe parlementaire qui s'appelle "condition animale". Ce groupe, qui était en dormance, compte aujourd'hui une quarantaine de membres. Le but est de propager ses idées au sein de l'Assemblée. L214 se cache aussi derrière le site Internet Politique & animaux, où toutes les prises de position des politiques sont passées au scan et notées en fonction des valeurs défendues par l'association.
Aujourd'hui, l'association compte 60 salariés, cinq millions de recettes qui proviennent de dons. L214 a donc une force de frappe puissante. Elle a depuis 2017 un nouveau site Internet et des professionnels font désormais partie de l'équipe en plus des 2.000 bénévoles. Pour défendre la cause, chaque militant peut obtenir gratuitement mallettes pédagogiques et attirail pour tracter. D'une petite association il y a cinq ans, L214 est devenue un puissant lobby qui est écouté !