Implants médicaux : « Nous n’avons pas de chiffres précis sur le nombre de décès en France »
L’enquête internationale « Implant Files » a mis au jour de graves déficiences qui empêchent de détecter les effets indésirables des prothèses de hanche, des implants mammaires ou des pacemakers.
La base de données de l’Agence du médicament (Ansm) qui recense ces incidents est parcellaire et inexploitable. Dominique Martin, directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (Ansm) a répondu aux questions du Magazine de la santé.
- Les auteurs de l’enquête « Implant Files » estiment que seuls 1 à 10% des effets indésirables liés aux dispositifs médicaux sont recensés. Est-ce qu’il y a un problème de recensement au sein de l’Ansm ?
Dominique Martin, directeur de l'ANSM : "Il y a un problème de sous-déclaration pour les dispositifs médicaux comme pour les médicaments. Il est difficile d’évaluer le degré de sous-évaluation, mais il y a bien une sous-déclaration. Les informations dont dispose l’agence sont des signalements qui sont effectués soit par les professionnels de santé soit par les industriels."
- Est-ce que les fabricants de dispositifs médicaux et les médecins respectent l’obligation de faire remonter les effets indésirables ?
Dominique Martin, directeur de l'ANSM : "La seule chose qui est obligatoire, c’est le signalement des évènements graves, pas les autres évènements. Et c’est obligatoire pour les professionnels comme pour les industriels. Mais il y a clairement une sous-déclaration. Et je fais un appel à la déclaration de ces effets indésirables. Il y a aujourd’hui un portail de déclaration des effets indésirables qui est ouvert à tous, y compris aux patients et il faut qu’il y ait plus de déclarations. Autre élément : la qualité des déclarations n’est pas excellente. Dans le domaine du médicament, nous avons des organisations régionales, des centres régionaux de pharmacovigilance avec des gens très compétents qui font l’analyse et échangent avec les déclarants. Dans le domaine de la matériovigilance, nous mettons en place ce système aujourd’hui, il est loin d’être complet. Nous avons 3.000 correspondants locaux et nous mettons en place des correspondants régionaux de façon à améliorer la qualité qui aujourd’hui n’est clairement pas suffisante."
- Pourquoi l’ANSM n’intervient pas dans l’approbation des implants médicaux ?
Dominique Martin, directeur de l'ANSM : "Nous sommes dans une organisation qui est européenne avec un règlement européen qui prévoit que c’est un système de certification. Il n’y a pas d’autorisation par l’Ansm, il y a une déclaration faite auprès de l’agence mais pas d’autorisation. Nous sommes dans un environnement qui est différent de celui du médicament. Nous rentrons dans un nouveau règlement qui vient d’être négocié et qui va être beaucoup plus strict que l’ancien règlement. Pour autant, il n’y a toujours pas d’autorisation préalable bien que la France ait milité en 2012 pour ce type d’autorisation, notamment pour les implants, qui sont les dispositifs médicaux les plus à risque. Mais nous n’avons pas obtenu gain de cause."
- Vous préfèreriez que l’Ansm ait plus de pouvoir en la matière ?
Dominique Martin, directeur de l'ANSM : "L’Etat français avait souhaité en 2012 que l’on ait plus de pouvoir en amont. Mais les choses s’améliorent quand même : le nouveau règlement va rendre quasi-obligatoire les essais cliniques sur les implantables, ça c’est une vraie avancée. Il va y avoir une pression très forte sur les organismes notifiés. Il y a déjà beaucoup d’organismes notifiés qui ont disparu car ils n’étaient pas de bonne qualité. Il y a un contrôle européen avec des inspections conjointes des différents pays qui s’exercent sur ces organismes notifiés, il y a une meilleure coordination européenne et il va y avoir un registre européen dans lequel il va y avoir toutes les données de surveillance de ces produits. Il va se mettre en place on espère à l’horizon 2020. Il faut du temps pour coordonner tous les pays européens et nous, nous militons pour que les données de cette base européenne soient publiques."
- Les patients vont donc devoir encore attendre un an et demi avant de savoir…
Dominique Martin, directeur de l'ANSM : "Il faut quand même rappeler qu’il y a des millions et des millions de personnes qui bénéficient de dispositifs médicaux. Ils ont considérablement changé la vie des gens. Le problème c’est que c’est dispositifs sont extrêmement nombreux. On parle de 1 à 2 millions de dispositifs médicaux sur le marché et ils ont une vie très courte. Contrairement aux médicaments, qui restent des décennies sur le marché, vous avez des dispositifs qui restent sur le marché un an ou deux ans et qui ensuite disparaissent. C’est un marché très compliqué."
- En 2017, 18.208 incidents ont été signalés à l’Ansm, sait-on combien de décès sont liés à ces évènements indésirables ?
Dominique Martin, directeur de l'ANSM : "Je n’ai pas le chiffre de décès. Il y a assez peu de décès, d’autant plus que dans les 18.000 incidents qui sont signalés, beaucoup sont des risques d’accidents, ce sont des problématiques graves sur des dispositifs médicaux mais heureusement ils n’ont pas donné lieu à une conséquence pour le patient. Donc il arrive parfois qu’il y ait des décès, je n’ai pas le chiffre précis, mais la plupart du temps, heureusement, nous avons l’information plus en amont pour pouvoir intervenir en amont."