De nouvelles approches pour régénérer ou remplacer les cartilages
L'ingénierie tissulaire, qui consiste à recréer des tissus biologiques fonctionnels, a enregistré de nombreux succès ces dernières années. En cette fin 2015, plusieurs projets européens très prometteurs ont été dévoilés, qui pourraient sensiblement améliorer le traitement et le remplacement des cartilages usés par l'âge ou la maladie.
Un cartilage est un tissu souple que l'on retrouve notamment à la surface des articulations ou sur le pourtour des disques intervertébraux, et qui confère leur forme à notre nez et à nos oreilles. Lorsque l'organe est perdu, suite à un accident ou à une amputation, plusieurs stratégies peuvent être proposées par les spécialistes de la chirurgie reconstructrice (voir encadré).
Mais il est plus difficile de réparer que de remplacer et, en cas de lésion ou de dégénérescence du cartilage, les solutions thérapeutiques restent encore limitées. "Actuellement, [en dehors de la pose d’une prothèse], la stratégie de reconstruction du cartilage consiste à injecter dans l’articulation du patient un échantillon de ses propres cellules de cartilage (chondrocytes)", explique-t-on à l’Université de Strasbourg, où des chercheurs de l'Inserm travaillent sur des approches alternatives.
Régénérer le cartilage et l'os in situ
Malheureusement, les douleurs qui poussent les patients à consulter sont généralement dues au fait que l'os lui-même commence à s'éroder. Ce sont donc deux couches - osseuses et cartilagineuses - qu'il faut idéalement reconstruire.
Début septembre 2015, quatre scientifiques strasbourgeois ont décrit dans la revue Nanomedicine un implant d'un genre nouveau, permettant de résoudre ce problème. Le dispositif est structuré en deux couches : la première est une membrane fibreuse (constituée de polymères ou de collagènes), dans laquelle sont percées d'innombrables cavités nanométriques, remplies de facteurs de croissance osseux. La seconde couche est un hydrogel dans lequel baignent des cellules souches de la moelle osseuse du patient, et de l'acide hyaluronique, qui favorise la croissance du cartilage. L'épaisseur des couches peut-être modulée au cas par cas.
L'implant a déjà été testé chez l'animal, et pourrait faire l'objet d'un essai clinique impliquant une soixantaine de personne d'ici à 2017.
Demain, du cartilage à la demande ?
Dans plusieurs pays, parmi lesquels les Etats-Unis et le Royaume-Uni, plusieurs équipes travaillent sur l'impression de cartilage. Dans un premier temps, des cellules de cartilage sont cultivées en incubateur, puis celles-ci sont mélangées à une gelée, le mélange étant inséré dans la cartouche d’une imprimante 3D dédiée. Un objet de la forme du cartilage désiré est ainsi imprimé, et réintégré dans un incubateur, avec des nutriments.
Selon les chercheurs, les cellules se développeront en colonisant l'espace occupé par la gelée (qui fait, en quelque sorte, office de guide) pour former un authentique élément cartilagineux. Outre-Atlantique, le procédé est notamment expérimenté en Caroline du Nord depuis 2012. Au Royaume-Uni, des chercheurs gallois ont récemment annoncé qu'un dispositif permettant de produire un cartilage viable "en moins de deux mois" ferait l'objet d'essais sur l'animal d'ici 2018.
Pour éviter les rejets, des éléments de cartilage sont généralement prélevés sur le corps du patient, redécoupés et enfin réimplantés. Mais ces dernières années, des innovations importantes ont été mises en œuvre. Ainsi, il est désormais possible de cultiver des cellules souches sur un moule synthétique, dans un incubateur propice à leur différenciation en cellules de cartilage.
De récents travaux ont montré que la culture de cellules déjà différenciées permettait de multiplier leur nombre par quarante en quatre semaines. On peut ainsi rapidement disposer de films biologiques, qu’il est possible de découper et de superposer à volonté pour reconstruire l’organe lésé.