Faut-il autoriser la PMA pour toutes les femmes ?
Promesse de campagne d'Emmanuel Macron, la PMA pour toutes est une des questions sensibles au programme des Etats Généraux de la Bioéthique, lancés jeudi dernier.
Actuellement, la PMA (procréation médicalement assistée) est réservée au traitement de l'infertilité chez les femmes hétérosexuelles en couple. L'ouverture de cette technique aux femmes seules et aux couples homosexuels divise l'opinion. Le Pr René Frydman, gynécologue-obstétricien et "père scientifique" du premier bébé éprouvette, est pour la PMA pour toutes. Le Pr Jean-Noël Fiessenger, ancien membre du Comité Consultatif National d’Ethique, est contre. Nous avons confronté leurs arguments.
- Faut-il élargir la PMA à toutes les femmes ?
Pr. Frydman : "Oui. C’est une adaptation à l’évolution de notre société. Je crois que, ce qui compte, c’est de voir la personne qui va faire la mère ou le couple qui va s’occuper de l’enfant et de voir leur stabilité. Il y a des couples hétérosexuels qui sont totalement instables et pour lesquels ça nous arrive de refuser de les prendre en charge."
Pr. Fiessenger : "Non. C’était pour nous la principale raison d’être prudent et de dire : « attention, vous mélangez les femmes seules et les couples de femmes ». Ce n’est pas le même problème. On pense qu’une femme qui n’a pas trouvé le compagnon de sa vie et qui dit quand même « je veux avoir un enfant », ça va faire un binôme qui n’est pas favorable au développement de l’enfant."
- Le rôle du médecin risque-t-il d'être détourné ?
Pr. Fiessenger : "Les médecins sont faits pour soigner les gens et pas pour répondre au souhait d’avoir un enfant à tout prix parce que c’est un droit. On nous transforme en techniciens et pas en médecins-soignants."
Pr. Frydman : "Ce n’est pas détourner la médecine. C’est utiliser des données médicales dans un but sociétal. Mais, la société n’est pas exclue de la santé. Dans ce sens-là, on peut aussi considérer qu’il y a tout un tas de formes de médecine. La médecine ne se réduit pas un geste chirurgical. L’accompagnement ou la préparation à ce geste-là fait partie aussi de l’attitude médicale. Le bien-être psychique des gens que l’on traite fait partie par extension de la notion de médecine et de santé."
- La PMA doit-elle toujours être remboursée ?
Pr. Frydman : "D’une façon générale, pour les traitements qui ne sont pas strictement dans le cadre de la maladie, d’une fertilité plutôt sociétale, je ne vois pas d’inconvénient à ce qu’il y ait une participation financière, un peu sur le modèle de la chirurgie esthétique. La chirurgie esthétique est autorisée, mais elle n’est pas prise en charge par la Sécurité Sociale."
Pr. Fiessenger : "Si le législateur choisit de rembourser à toutes les femmes toutes les PMA… Quand on voit la situation du budget de la santé, on peut avoir quelques inquiétudes supplémentaires."
- Y a-t-il un risque de pénurie de donneurs ?
Pr. Fiessenger : "Je crois qu’il y a 400 donneurs de sperme en France actuellement. Pour un couple infertile, on considère qu’il y a 18 mois d’attente avant qu’on réponde à leur demande. Il est bien évident que s’il y a plus de demandes du fait de l’ouverture de la loi, les délais d’attente vont s’allonger à 2 ans, 3 ans,… D’où la question comment obtenir plus de donneurs et là 2 réponses : soit en faisant des campagnes de communication comme on en fait pour des greffes de rein soit en rétribuant les donneurs. Mais là, ça pose le problème de la gratuité du don dans l’éthique française qui est la règle absolue."
Pr. Frydman : "Je ne pense pas qu’il va y avoir un tsunami de demandes de femmes seules ou de femmes en couple homosexuel. Le nombre ne va pas devenir exponentiel."