Des bactéries intelligentes programmées pour détecter des maladies
A la croisée de la biologie et de l'électronique, une équipe de recherche franco-américaine a reprogrammé des bactéries pour les rendre capables d'assurer un diagnostic médical. Plongées dans de l'urine ou du sang, celles-ci changent de couleur en présence de marqueurs spécifiques à une pathologie.
Les bactéries ont été transformées en espions détecteurs. Des chercheurs de l'Inserm et de l'université de Stanford ont mis au point une bactérie capable de tracer le sucre dans l'urine des diabétiques. A la manière d'un ordinateur, son ADN a été reprogrammé pour détecter des marqueurs biologiques, présents même en très petites quantités. Dans la nature vivent déjà des bactéries capables de repérer le glucose, mais seulement en présence de fortes doses. Pour augmenter ces marques, les chercheurs ont incorporé dans l'organisme un "transistor biologique". Le transistor électronique est un système qui permet d'amplifier les signaux, comme par exemple les ondes radio. Seulement ici, les signaux électroniques sont remplacés par des signaux moléculaires.
Les chercheurs ont ainsi "branché" ce transistor, micro composé d'ADN synthétique, à une bactérie détectrice de glucose. Son expression génétique est donc totalement contrôlée. Ainsi reprogrammée, la bactérie peut repérer les signaux de sucre, même très faibles, dans des urines. En quelques heures, le liquide change alors de couleur.
Une bactérie reprogrammable pour d'autres maladies
Les bactéries sont l'apanage des biotechnologies et notamment de la biologie de synthèse. Un nouveau domaine en plein essor, qui consiste à appliquer à la biologie des principes inspirés de l'ingénierie électronique ou même du génie civil. Si la technique de captation du glucose dans les urines existe déjà, grâce aux bandelettes de couleurs, les chercheurs expliquent que cette bactérie artificielle pourrait être reprogrammée pour d'autres marqueurs biologiques, en fonction des pathologies. La méthode, non invasive et facile d'utilisation, permettrait également aux patients de ne pas à avoir à se déplacer à l'hôpital.
"On pourrait même imaginer programmer des bactéries pour agir au niveau de la flore intestinale et soigner des maladies", explique Jérôme Bonnet, l'un des concepteurs du transistor biologique, dont les travaux sont publiés le 27 mai dans Science Translational Medicine. Si ces reprogrammations devraient prendre du temps, les chercheurs ont d'ores et déjà déposé le brevet de leur technologie dans le domaine public, à la portée de tous les scientifiques.
Source : Detection of pathological biomarkers in human clinical samples via amplifying genetic switches and logic gates. J. Bonnet, F. Molina et al. Science Translational Medicine, mai 2015. DOI: 10.1126/scitranslmed.aaa3601