L'homme moderne a des os fragiles
Les humains auraient perdu 20% de densité osseuse dans leurs membres inférieurs depuis l'avènement de l'agriculture il y a 12.000 années, ont déterminé des scientifiques qui expliquent ce phénomène par une plus grande sédentarité liée à ce mode de subsistance.
Il y a 12.000 ans – et depuis des millions d'années – les Homo sapiens survivaient encore de chasse et de cueillette, des activités requérant une activité physique particulièrement intense. Certains d'entre eux se sont alors sédentarisés, inventant l'agriculture, d'autres poursuivant leur vie nomade.
Selon des recherches publiées ce 22 décembre dans les Proceedings of the National Academy of Sciences, les Homo sapiens chasseurs-cueilleurs qui arpentaient la Terre il y a 7.000 ans avaient des os et des articulations (hanches, genoux et chevilles) aussi solides que l'Homo neanderthalensis (l'homme de Neandertal, un "cousin" de l'homo sapiens disparu il y a 28.000 ans) ou que les chimpanzés.
En comparaison, les "agriculteurs" sédentaires qui vivaient dans les mêmes régions depuis 6.000 ans possédaient des os nettement moins denses et plus fragiles.
"Il s'agit de la première étude sur le squelette humain à révéler une importante diminution de densité osseuse chez les hommes modernes", souligne Brian Richmond, conservateur de la division d'anthropologie du Musée national d'Histoire naturelle à Washington et professeur à l'Université George Washington, un des co-auteurs de ces travaux.
Nos ancêtres étaient plus actifs
Pour cette étude, les auteurs ont utilisé des scanners pour mesurer la densité osseuse de la partie spongieuse des os chez 59 Homo sapiens, 229 primates comme des chimpanzés ainsi que sur des ossements fossilisés d'hominidés dont l'Australopithécus africanus (-3,3 à -2,1 millions d'années), le Paranthropus robustus (-1,2 millions d'années) et des Néandertaliens (-250.000 à -28.000 ans).
Les résultats montrent que seuls les humains modernes ont une faible densité des os spongieux qui est particulièrement prononcée dans les articulations des membres inférieurs (hanches, genoux et chevilles).
"Ce changement anatomique [récent] paraît bien avoir résulté de la transition d'une vie nomade à un mode de subsistance plus sédentaire", affirment ces chercheurs.
"Au cours de la vaste partie de la préhistoire humaine, nos ancêtres étaient nettement plus actifs physiquement qu'aujourd'hui", souligne Brian Richmond. Pour Colin Shaw, professeur à l'Université de Cambridge (Royaume-Uni) et également co-auteur de l'étude, "les humains contemporains vivent dans un environnement culturel et technologique incompatible avec leur adaptation résultant de l'évolution".
Un corps mal adapté à l'inactivité
"Il y a sept millions d'années d'évolution des hominidés qui les a adapté pour l'action et l'activité physique nécessaire à leur survie mais depuis seulement une centaine d'années nous sommes dangereusement sédentaires", explique-t-il, ajoutant : "nous n'avons pas évolué pour être assis dans une voiture ou à un bureau".
Les chercheurs notent qu'avec l'avènement de la sédentarité d'autres paramètres ont joué dans la diminution de notre densité osseuse. "La part de céréales cultivées dans le régime alimentaire des agriculteurs ainsi que de possibles carences de calcium pourraient avoir contribué à réduire la masse osseuse", expliquent-ils.
Selon les auteurs, cette étude fournit un contexte anthropologique aux pathologies osseuses des populations contemporaines comme l'ostéoporose, une fragilisation des os fréquente chez les personnes vieillissantes qui résulte en partie du manque d'activité physique notamment la marche.
Beaucoup d'exercice physique à partir d'un très jeune âge doit permettre de parvenir à une résistance osseuse maximale vers trente ans, précisent-ils. Ceci permet, selon eux, de maintenir une plus grande densité des os malgré l'affaiblissement inévitable qui se produit avec l'âge.
Source : Recent origin of low trabecular bone density in modern humans. H. Chirchir, B.G. Richmond et coll. PNAS, édition avancée en ligne du 22 décembre 2014. doi: 10.1073/pnas.1411696112