Mieux protéger les chercheurs accusés de diffamation
Régulièrement, des chercheurs sont menacés d'une action en justice par des industriels, dans l'espoir que leurs travaux de recherche ne soient pas publiés. Un rapport commandé par le secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur souligne l'importance de la liberté académique, quand bien même certaines publications à vocation scientifique feraient polémique.
Un professeur d'économie poursuivi par le président d'un opérateur de téléphonie mobile après une étude critiquant son arrivée sur le marché, un professeur de droit accusé de diffamation après une interview sur la légalité d'une procédure d'arbitrage... Le rapport au secrétaire d'État à l'Enseignement supérieur, rendu public ce 21 avril, apporte de nombreux exemples de ce qu'il qualifie de "procédures bâillons".
Une "procédure bâillon" est une procédure judiciaire (ou une menace de procédure) dont le but réel n'est pas de faire condamner un opposant ou détracteur, mais de le pousser à l'autocensure ou de le faire taire, en l'épuisant financièrement, moralement et nerveusement.
Ces affaires "ont manifestement pour objet ou pour effet de porter atteinte à leur liberté d’expression", explique le document, rédigé par une commission de cinq juristes et professeurs. "Depuis plusieurs années, des enseignants-chercheurs sont l’objet de plaintes en diffamation ou en dénigrement, à la suite de leurs travaux scientifiques publiés dans des revues académiques ou dans la presse généraliste".
Importance de la liberté académique
Le rapport cite la Cour européenne des droits de l'homme dont une décision avait souligné "l'importance de la liberté académique, et en particulier de la possibilité pour les universitaires d'exprimer librement leurs opinions fussent-elles polémiques ou impopulaires, dans les domaines relevant de leurs recherches".
S’il n’est pas envisageable de reconnaître une immunité aux chercheurs, des mesures pour dissuader les auteurs de ces actions sont nécessaires, estime le rapport. Les auteurs proposent notamment la mise en place d'une amende d'un maximum de 15.000 euros contre ceux qui "agissent en justice pour entraver la liberté d'expression". Ils suggèrent aussi de stipuler dans la loi que "les propos ou écrits rédigés ou exprimés de bonne foi par des chercheurs et des enseignants-chercheurs" ne pourront donner lieu "à aucune action en diffamation, injure ou outrage". Enfin en cas de poursuites, les chercheurs devraient bénéficier d'une protection dès leur mise en cause qui permettrait, notamment, la prise en charge des frais nécessaires à leur défense.
avec AFP