Chimiothérapie : comment lutter contre les vomissements ?

Les vomissements liés à la chimiothérapie altèrent profondément la qualité de vie des patients. Mais aujourd'hui différentes prises en charge permettent de diminuer leur impact. 

Dr Charlotte Tourmente
Dr Charlotte Tourmente
Rédigé le , mis à jour le
Chimiothérapie : comment lutter contre les vomissements ?

Des effets variables suivant les protocoles

Les nausées et vomissements provoqués par la chimiothérapie entravent les activités quotidiennes, la vie socio-professionnelle. Ils ont souvent un retentissement sur l'appétit et le poids.

"Leur fréquence est très variable d'un protocole à l'autre, explique le docteur Avi Assouline, oncologue-radiothérapeute. Elle peut s'élever à 80 - 90% dans certains cas, par exemple avec des protocoles incluant le cisplatine." Les médicaments et protocoles sont classés selon le risque de survenue de nausées et vomissements, qui est faible, moyen ou fort. "Cette classification permet d'adapter la prophylaxie anti-nauséeuse (NDLR : les médicaments donnés en prévention)", reprend-il.

D'autres facteurs de risque liés au patient augmentent la probabilité de souffrir de vomissements : le sexe féminin, l'âge inférieur à 55 ans, le mal des transports, le fait d'être anxieux ou de penser que l'on aura forcément de vomissements, un antécédent de nausées lors d'une cure précédente de chimiothérapie…

Les effets secondaires gastro-intestinaux peuvent survenir avant la cure (ce qui témoigne d'une origine psychologique, liée à l'appréhension), ou de façon aiguë durant les 24 premières heures de la chimiothérapie, ou retardée après ces 24 premières heures. On évalue leur gravité selon leur fréquence, de leur retentissement sur l'appétit, le poids, l'apport en eau et en aliments...

Attention à la perte de poids

Les nausées et vomissements, s'ils sont importants, aboutissent rapidement à une perte de poids qui affaiblit un peu plus une personne déjà faible. En cas de perte d'appétit, quelques conseils aident à ne pas perdre trop  de poids : fractionner ses repas en 6 à 8 repas et collations par jour ; enrichir l'alimentation avec du beurre, de la crème, des œufs,…; privilégier les aliments très caloriques ; encourager la prise de compléments alimentaires hypercaloriques hyperprotéinés.

Une prise en charge très efficace

La prise en charge s'avère très codifiée et s'avère efficace dans 80 à 90% des  cas, selon le cancérologue. "On ne donne pas de façon systématique un médicament contre les nausées, cela dépend du protocole de chimiothérapie, commente le cancérologue. En général, on utilise deux molécules, l'odansétron et de l'aprépitant." En cas de risque très faible, aucun médicament n'est donné à titre systématique ; si le protocole est à risque moyen, on donne de l'odansétron ; enfin, si le protocole est à haut risque, de l'odansétron et de l'aprépitant sont donnés les trois premiers jours de la chimiothérapie.

Si ces médicaments ne sont pas assez efficaces, une autre molécule à type de benzodiazépine, notamment chez les personnes anxieuses, ou de corticoïde ("cortisone") peuvent également diminuer les vomissements et potentialiser l'effet des autres médicaments.

Des médecines non conventionnelles en complément

En complément des médicaments usuels, des soins d'accompagnement ont fait leurs preuves, comme l'activité sportive, qui a un impact sur la tolérance à la chimiothérapie, la psychologie ou la sophrologie… Les thérapeutiques non conventionnelles sont parfois utilisées : "elles ont une place de plus en plus importante, analyse le Dr Assouline. Nous nous y ouvrons du fait de l'impact intéressant pour les patients." Le médecin estime que ces soins de support sont importants pour mieux supporter les traitements et leurs effets indésirables. Il peut s'agir d'un médecin spécialisé dans la douleur, d'un nutritionniste ou d'un diététicien, mais aussi de médecines complémentaires (acupuncture, homéopathie, hypnose, sophrologue…), "à condition qu'elles soient sérieuses" : "elles ne doivent pas faire de mal, détaille l'oncologue. Elles peuvent aider les patients, leur faire du bien psychologiquement, même si ce n'est pas forcément prouvé par la médecine." Une seule condition est impérative aux yeux du médecin, qu'elles soient intégrées de façon complémentaire aux traitements classiques puisqu'il y eu de rares cas gravissimes où un charlatan demandait de les arrêter.

Aux Etats-Unis, l'efficacité de l'acupuncture dans la prise en charge des vomissements induits par la chimiothérapie est admise depuis 1998 par le National Health Institute[1] (en dépit d'études épidémiologiques hétérogènes). Plusieurs revues montrent en effet que cette thérapie est très intéressante, même si certaines concluent que d'autres travaux[2] sont nécessaires. "L'efficacité de l'acupuncture est scientifiquement prouvée, affirme le Dr Nadia Volf, médecin-acupuncteur, coordinateur de Diplôme Interuniversitaire de l'Acupuncture Scientifique et auteur de L'acupuncture pour les Nuls. Le mieux est de le faire en prévention la veille et en traitement le lendemain de la cure mais dans plus de 90% des cas, la prévention suffit." Cette thérapie neutralise les effets secondaires de la chimiothérapie et stimule les défenses immunitaires selon l'acupunctrice, en ayant l'avantage d'être indolore et sans effets indésirables.

L'hygiène de vie, une aide importante

En cas de nausées et vomissements, on suggère des repas froids ou tièdes pour limiter les fortes odeurs qui dégoûtent bien souvent le patient. Il est préférable d'éviter les aliments gras, frits, trop lourds à digérer. Un conseil plein de bon sens est de manger ce dont on a envie et qui fait plaisir. Le fait de manger lentement et de prendre des boissons en dehors des repas (eau, infusion, jus de pomme) est conseillé. Les boissons à base de cola, de préférence dégazées diminuent parfois les nausées. Enfin, il est préférable de maintenir une position assise trente minutes après le repas (si la position couchée est nécessaire, on recommande de préférer le côté droit pour faciliter la vidange de l'estomac).

Et si un vomissement survient malgré tout, les médecins recommandent de se laver la bouche à l'eau froide et d'attendre une à deux heures avant de manger. Le tabac est déconseillé.

[1] NIH Consensus Conference. Acupuncture. JAMA. 1998 Nov 4;280(17):1518-24. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/9809733

[2] Systematic review of acupuncture in cancer care: a synthesis of the evidence. Garcia. J Clin Oncol. 2013 Mar 1;31(7):952-60. doi: 10.1200/JCO.2012.43.5818. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23341529

Sources :