Pourquoi le prix du vaccin contre la grippe a-t-il doublé ?
Le prix du vaccin antigrippal est passé de 6,20 à 11,13 euros cette année. Une hausse qui s’explique par une formulation enrichie, justifiée par des recommandations de santé publique.
Le vaccin contre la grippe vient d’arriver et si vous l’avez acheté, il est possible que vous ayez été étonnés par son prix de vente. Ce prix, fixé par les autorités de santé, est passé de 6,20 euros en 2017 à…11,13 euros cette année. Soit une augmentation de presque 100 %. Mais le vaccin "version 2018" a un "truc en plus", qui en a fait augmenter le prix.
Quatre souches de la grippe au lieu de trois
La formule vaccinale contre la grippe contient des souches de virus inactivé : des souches "A " et "B " (des souches B appartenant à la lignée Yama-gata et d'autres appartenant à la lignée Victoria).
Alors que les années précédentes, les firmes fabriquaient des vaccins dits "trivalents" (avec 3 souches : 2 souches "A" et 1 souche "B"), elles commercialisent toutes cette année des vaccins "tétravalents " (avec 4 souches : 2 souches "A" et 2 souches "B"). Chaque année, la composition du vaccin est actualisée conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Et en 2015, l’OMS a demandé l’ajout d’une deuxième souche "B" pour mieux protéger les populations de l’évolution du virus de la grippe. En enrichissant leur produit, les fabricants ont vu leurs coûts de production augmenter. Des coûts qui se répercutent sur le consommateur.
Mais pourquoi ce changement de formule ?
Un risque de "tomber à côté" avec le vaccin de l’année
Pour décider de la composition du vaccin, les scientifiques font une sorte de pari sur l’avenir. "Au mois de février, les scientifiques font une prédiction du profil du virus grippal qui va sévir à partir des souches qui ont circulé l’année précédente", explique le Pr Daniel Floret, ancien vice-président du Comité technique des vaccinations (CTV).
La plupart des années, les souches circulantes dominantes sont les souches "A". Jusqu’ici, les fabricants misaient donc sur celles-ci dans la composition du vaccin et ajoutaient la version inactivée de la souche "B" la plus susceptible de circuler. "Il était possible de se tromper, admet le Pr Floret. C’est ce qu’on appelle les mismatches et ce qui est arrivé l’année dernière : ce n’était pas la bonne souche "B" qui était dans le vaccin."
Quand on peut de moins de moins compter sur l’immunisation croisée…
En cas d’erreur, les conséquences sur l’épidémie n'étaient cependant pas désastreuses. Car il existe ce qu’on appelle l’immunisation croisée. Les souches "B" Yama-gata et Victoria ont une parenté génétique. Même si la mauvaise lignée avait été intégrée au vaccin, celui-ci pouvait, dans une certaine mesure, protéger contre l’autre. "L’année dernière l’efficacité du vaccin a tout de même été de 60%, ce qui démontre bien qu’il y a eu une immunisation croisée. Cependant, si la bonne souche avait été présente, le vaccin aurait été plus efficace", précise le Pr Floret. Problème : les deux lignées, avec les années, deviennent plus distinctes génétiquement et immunologiquement. L’immunisation croisée est de plus en plus fragile. L’OMS préfère donc désormais intégrer les deux dans le vaccin.
Un impact sur la santé publique "aléatoire"
Si cet ajout de souche rend statistiquement le vaccin plus protecteur… sa valeur ajoutée n’est pas garantie. "L’impact en matière de santé publique de cet ajustement est relativement aléatoire, conclut le scientifique. Pour que l’intérêt de la présence des deux souches soit réel, il faut que des souches "B" circulent véritablement ... » Le travail de l'OMS qui en amont cible les potentielles souches circulantes de la grippe reste donc déterminant.