Harcèlement scolaire : l'homophobie à l'école reste taboue
Le harcèlement scolaire touche un élève sur cinq en France. Et parmi les causes de harcèlement, l'homophobie reste un tabou. Jasmin Roy, comédien, animateur, conférencier et metteur en scène star au Québec, publie un livre-témoignage intitulé "Sale pédé" (Ed. l'Homme), dans lequel il raconte les humiliations et les agressions dont il a été victime à l'école en raison de son homosexualité.
- Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?
Jasmin Roy : "J'ai écrit ce livre car aujourd'hui, des jeunes vivent les mêmes difficultés que moi. Personnellement, j'ai vécu le harcèlement scolaire pendant cinq années. J'ai eu des problèmes de santé mentale à l'adolescence et à l'âge adulte en lien avec les agressions dont j'ai été victime. Et je ne comprenais pas comment dans une société occidentale, moderne, civilisée, des jeunes pouvaient encore vivre cette problématique et être victimes de cette homophobie."
- Le harcèlement scolaire dont vous avez été victime avait-il pour origine votre homosexualité ?
Jasmin Roy : "C'était une homosexualité présumée parce que j'ai commencé à me faire traiter de pédé ou de tapette avant même de savoir que j'étais homosexuel. D'ailleurs, les études montrent qu'environ 40% des enfants victimes d'homophobie en milieu scolaire ne seront pas homosexuels.
"Les victimes sont présumées homosexuelles, elles ont les caractéristiques qu'on associe souvent aux qualités des femmes (empathie, intelligence…). Il faut donc encore travailler sur les rapports égalitaires à l'école.
"Dans mon cas, vu que j'étais né avec une difficulté avec mes jambes, j'étais moins fort que les garçons donc j'étais ciblé. C'était les mots que l'on prononçait pour me rabaisser qui me faisaient mal. J'ai aussi vécu de la violence physique, de la violence verbale, mais aussi de la violence sexuelle. Il y avait toutes sortes de violences qui s'exprimaient contre moi."
- Quelles ont été les conséquences de ce harcèlement ?
Jasmin Roy : "Environ un enfant sur deux qui va subir un harcèlement scolaire de façon prolongée (deux ans et plus) va traverser un désespoir profond : problèmes de santé mentale importants, dépression, troubles anxieux… Personnellement, j'ai eu une maladie d'anxiété qui a duré plusieurs années.
"À l'adolescence je tremblais la nuit, je vomissais souvent mais à cette époque, on ne parlait pas beaucoup d'anxiété, de dépression chez l'enfant. Et à l'âge adulte, tout est remonté à la surface. Durant quatre ans et demi, j'ai été en psychanalyse. J'ai pris des médicaments, j'ai dû me rebâtir complètement."
- Quel rôle a joué le théâtre dans cette reconstruction ?
Jasmin Roy : "Le théâtre m'a sauvé. Quand j'étais en milieu scolaire, je n'ai jamais pu exprimer mon talent. Mais le jour où j'ai exprimé mon talent à l'école, que j'ai exprimé mes talents de comédien, la perception des gens a changé et tout le monde est devenu mon ami. Il faut donc que les jeunes changent leur perception de l'autre. Il faut qu'ils se mettent à la place de l'autre.
"À l'heure actuelle, de nombreux enfants dans nos écoles ont des talents exceptionnels, mais si on ne les laisse pas s'exprimer, ils ne pourront jamais créer des amitiés, ils ne pourront jamais être aimés. Ce n'est pas en écrasant les autres que l'on prend sa place dans la vie. C'est à partir d'un talent et d'une compétence."
- Quel est votre message à l'occasion de la journée contre le harcèlement scolaire qui aura lieu le jeudi 3 novembre ?
Jasmin Roy : "La violence et le harcèlement à l'école est l'une des premières causes de décrochage scolaire. Si on veut que nos enfants puissent accéder à des niveaux supérieurs d'éducation, il faut s'assurer de créer des climats positifs et bienveillants. Il faut que les adultes soient des modèles positifs."
Livre :
- Sale pédé
Jasmin Roy
Ed. de l'Homme, septembre 2016