Violences conjugales : l'Ordre des médecins se dit favorable à une levée partielle du secret médical
Le Collège de la médecine généraliste s’était dit inquiet de cette mesure deux jours auparavant.
L'Ordre des médecins s'est dit mercredi 18 décembre avorable à "la possibilité" pour les professionnels de santé de signaler à la justice les victimes de violences conjugales "en danger vital immédiat". Mais cette proposition issue du Grenelle sur les violences conjugales divise la profession.
"Cette dérogation permissive permettant de protéger les victimes et les médecins faisant un signalement en cas d'urgence vitale immédiate (...) ne saurait remettre en cause le principe fondamental du secret médical, base de la relation de confiance entre un patient et son médecin", assure l'instance déontologique de tous les médecins français.
Gilles Lazimi salue les précautions qu’a prises l’institution. « Manifestement, l’Ordre n’est pas dupe », affirme cet ancien membre du Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes. « Ces dérogations existent déjà dans le code de déontologie, on essaie de faire diversion, sur le corps médical, d’une situation qui n’est pas la leur. »
Un « effet d’annonce » ?
« Pour moi et pour un grand nombre de professionnels, cette mesure n’a d’intérêt que pour déplacer le débat sur le fait qu’il y a des dysfonctionnements majeurs au niveau de la police et de la justice », explique Gilles Lazimi à Allodocteurs.fr.
Il tient à souligner qu’il ne faut pas déléguer la responsabilité des féminicides sur les médecins, mais sur les services qui en sont responsables. « On ne pourra faire ce signalement que si l’on est certain de la protection que la police exercera sur les victimes. 80% de plaintes sont classées. »
" Le problème est judiciaire "
Gilles Lazimi l’affirme : le problème principal pour lutter contre les violences conjugales est judiciaire. « Il faut que la police prenne les plaintes, les procureurs doivent continuer les poursuites et les juges doivent appliquer la loi », explique-t-il.
Selon lui, toute plainte pour violences conjugales doit systématiquement être instruite, et surtout toute femme qui porte plainte doit être protégée. « L’ordonnance de protection est un dispositif qui existe depuis dix ans, elle permet d’éloigner le conjoint, de suspendre son autorité parentale et d’attribuer un hébergement d’urgence à la victime. »
Mais pour appliquer cette ordonnance, des hébergements spéciaux doivent être créés pour protéger les femmes. « Au niveau associatif, on manque de places et de moyens. » Selon le généraliste, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a estimé les besoins pour des politiques sérieuses entre 500 millions et 1 milliard d’euros.
Le vote aura lieu fin janvier
Le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) a été associé par le gouvernement à la rédaction de la disposition. Cette dernière figurera dans la proposition de loi LREM visant à protéger les victimes de violences conjugales, au menu de l'Assemblée nationale fin janvier.
Actuellement, en l'absence d'enquête judiciaire ou d'accord du patient, le secret médical s'impose de façon "générale et absolue", sauf pour les mineurs ou dans le cas d'une personne n'étant "pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique".
Une exception dans le Code Pénal
La proposition de loi précisera qu'en est également exempté tout professionnel de santé "qui porte à la connaissance du procureur de la République une information préoccupante relative à des violences exercées au sein du couple (...), lorsqu'il a l'intime conviction que la victime majeure est en danger immédiat et qu'elle se trouve sous l'emprise de leur auteur", selon le texte cité par le CNOM.
La disposition précisera aussi que "le médecin ou le professionnel de santé doit s'efforcer d'obtenir l'accord de la victime majeure" dans un premier temps. Si cette dernière refuse et que le médecin choisit d'alerter la justice, "il doit l'informer du signalement fait au procureur de la république", ajoute le texte.
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Le CNOM soutient la mesure
Le CNOM précise qu'une "très large majorité" de ses membres, réunis en session plénière le 13 décembre, a choisi de soutenir cette évolution du code pénal.
Lundi, le Collège de la médecine générale (CMG) s'était en revanche dit inquiet d'une telle mesure, l'estimant "inutile" et "contre-productive".