Quand l'hypertension perturbe la sexualité
On sait qu'elle est mauvaise pour le cœur et les vaisseaux, on connaît moins son retentissement sur la vie sexuelle. Or l'hypertension, qui touche près de 10 millions de Français, est un facteur de risque avéré de troubles sexuels. Des troubles qui ont un impact sérieux sur la qualité de vie et parfois sur l'observance du traitement contre l'hypertension, quand celui-ci est en cause.
Les conséquences sexuelles de l'hypertension
Le diagnostic d'hypertension est posé lorsque la tension systolique (le premier chiffre mesuré par le médecin) est supérieure à 140 mm de mercure ou la tension diastolique, le second chiffre, est supérieure à 90 mm, limites couramment abrégées en 14/9. Les médecins devraient alors systématiquement s'enquérir de la sexualité des patients hypertendus. Car les hommes souffrant d'hypertension artérielle présentent un risque de souffrir d'une dysfonction érectile, deux à six fois supérieur aux hommes ayant une tension normale (source : Tension artérielle et sexualité, Dr Schoenenberger, Forum Med Suisse 2009;9(50):910).
Cette dysfonction érectile est souvent associée à une baisse de libido, un trouble de l'orgasme ou de l'éjaculation. La femme se heurte quant à elle à des troubles du désir, de l'excitation sexuelle avec une sécheresse vaginale, ou un trouble de l'orgasme, un clitoris insuffisamment érectile, des douleurs pendant les rapports.
La composante psychologique entre aussi en cause : il est difficile d'avoir toujours envie de faire l'amour lorsque le rapport se passe mal. Se met alors en place un cercle vicieux entre le corps qui ne veut pas fonctionner et l'esprit qui s'inquiète.
Autre facteur qui influence la vie sexuelle : la survenue d'un accident cardiovasculaire, comme un infarctus ou un AVC (que favorise une hypertension). Fatigue, peur de mourir, dépression, maternage excessif du conjoint, ont alors un retentissement négatif sur la libido.
L'impact de l'activité sexuelle sur la tension
L'activité sexuelle, avec la partenaire habituelle, correspond en moyenne à un effort modéré. Elle entraînerait en effet une augmentation de 10 à 20 mm de mercure chez le sujet en bonne santé, ce qui serait équivalent à la montée de deux étages à un bon rythme. Mais l'effet serait beaucoup plus important chez les hypertendus.
L'activité sexuelle est donc contre-indiquée en cas d'hypertension mal contrôlée car le risque de survenue d'accident cardiaque est dix fois plus élevé que chez les personnes en bonne santé. Chez ces derniers, il est évalué à un accident pour un million de rapports (source : Tension artérielle et sexualité, Schoenenberger, Forum Med Suisse 2009;9(50):910).
En revanche, bonne nouvelle pour les autres, qui représentent la grande majorité, ils sont encouragés à reprendre les galipettes !
Maladies cardiovasculaire et troubles sexuels partagent les mêmes facteurs de risque : surpoids, tabagisme, diabète, sédentarité, hypertension artérielle et excès de lipides (hyperlipidémie).
La dysfonction érectile alerterait d'une affection cardio-vasculaire asymptomatique dont les symptômes apparaîtraient deux à cinq ans après le trouble de l'érection.
Des artères abîmées et des traitements délétères
L'hypertension altère les artères y compris celles du pénis. Elle favorise le développement de l'athérosclérose : la vaso-contriction, les dépôts de lipides, l'agrégation des plaquettes et des leucocytes diminuent le calibre des artères et donc l'irrigation des organes génitaux. Les cellules endothéliales (la couche de cellules au contact du sang) sont en souffrance et produisent moins de monoxyde d'azote, une substance qui joue un rôle important dans l'érection en entraînant un relâchement des fibres musculaires des corps caverneux.
Le mécanisme est bien identifié chez l'homme et plus que probable chez la femme. Les organes génitaux sont moins bien irrigués, ce qui diminue la sensibilité et la lubrification des muqueuses. Même si la sexualité féminine reste moins étudiée que son pendant masculin, les rapports entre les troubles sexuels féminins et les facteurs de risque cardio-vasculaires sont bien réels.
Les médicaments anti-hypertenseurs en cause
Sept millions d'hypertendus seraient sous traitement anti-hypertenseur, qui peut avoir des effets secondaires dévastateurs sur la sexualité.
On constate ainsi chez certains patients une dysfonction érectile avec certains béta-bloquants (propanolol, atenolo, bisoprolol), certains diurétiques ou l'alphaméthyldopa. Une baisse de la libido peut être provoquée par certains béta-bloquants, l'anti-aldostérone, l'alphaméthyldopa. Ce qui entraîne chez certains patients un mauvais suivi du traitement et donc une majoration de l'hypertension et de ses retentissements.
La dose et le temps depuis lequel on prend le traitement ont une influence négative, tout comme l'effet nocebo et la lecture de la notice du médicament. Mais l'on constate une grande variabilité entre les patients : les effets secondaires sexuels sont loin d'être systématiques.
Heureusement, d'autres médicaments régulant la tension n'ont pas d'effets sur la sexualité et sont privilégiés par les cardiologues lorsque cela est possible.
Améliorer les troubles sexuels
La vie sexuelle épanouie, cet "état de bien-être physique, émotionnel, mental et social" d'après l'OMS, est une composante importante de la qualité de vie. Son altération est susceptible d'entraîner baisse d'estime de soi, dépression et problèmes conjugaux. La prise en charge des troubles sexuels liés à l'hypertension ou son traitement, est donc primordiale pour la qualité de vie du patient.
L'activité sexuelle est bien codifiée par la conférence de Princeton III, elle est :
- tout à fait autorisée chez les hypertendus dont le risque est faible (moins de 3 facteurs de risque cardio-vasculaire, en plus de la dysfonction érectile; infarctus de plus de 6 semaines ; angor stable...) ;
- possible après une épreuve d'effort en cas de risque moyen (plus de 3 facteurs de risque, infarctus de plus de 2 semaines et moins de 6 semaines, etc.) ;
- contre-indiquée en attendant l'amélioration des troubles chez ceux présentant un risque élevé (infarctus datant de moins de 2 semaines; angine de poitrine instable ; etc.).
La prescription d'inhibiteur de la phosphodiestérase 5, comme le sildénafil, améliore l'érection (attention, ils sont contre-indiqués en cas de prise concomitante de dérivés nitrés, du fait du risque d'hypotension majeure, et à manier avec prudence avec les alpha-bloquants, une famille de médicaments prescrits dans l'hypertension).
Les femmes hélas ne bénéficient pas (encore) de traitement contre leurs troubles sexuels.
Lorsque les médicaments contre l'hypertension sont en cause, le médecin, à qui l'on aura parlé de ses troubles sexuels, modifiera si cela est possible la posologie ou changera le médicament. En aucun cas, le patient doit arrêter son traitement de son propre chef.
Agir sur son hygiène de vie reste le moyen le plus sain de prendre soin de son érection ! Manger de façon équilibrée, sans trop de graisses, pratiquer une activité physique régulière, perdre du poids si l'on est en surpoids, arrêter de fumer, sont des moyens simples mais efficaces. Ces mesures sont efficaces à la fois sur le risque cardio-vasculaire et sur la dysfonction érectile.
L'amélioration de l'érection suffit parfois à relancer la libido, sa baisse étant parfois la conséquence du trouble de l'érection : en n'ayant pas envie de faire l'amour, on ne prend pas le risque d'être confronté à la mollesse de son pénis. Et le manque de plaisir pris dans le rapport ne donne pas forcément envie de renouveler l'expérience...
Parler de ses troubles sexuels à son médecin est le meilleur conseil que l'on peut donner à un patient souffrant d'hypertension. Il pourra le rassurer, l'informer et l'aider.